Construire en montagne

L’exemple d’Ayas(1)Commune de la tête de la vallée de l’Evançon, au pied du Mont-Rose. à travers les prix-faits du XVIIe et du XVIIIe siècle

Claudine Remacle

Sommaire: 1. Introduction. 2. Les documents trouvés. 3. Les maîtres artisans. 4. Les espaces de vie dans la maison. 5. Les modèles architecturaux. 6. Les matériaux de construction. 7. Les fouilles et les parois extérieures. 8. Les portes et les fenêtres. 9. Détails techniques et commodités. 10. Le toit, la charpente et les «loges». 11. Les temps du contrat, les temps du chantier. 12. Le prix des constructions et conclusion.

 

  1. Introduction

Les archives notariales d’Aoste constituent une source inépuisable de renseignements qui illustrent la vie quotidienne des siècles passés. Soigneusement conservés et en ordre, les minutaires sont là. Ils attendent des chercheurs décidés à étayer leur sujet de prédilection par des textes. Ils donnent l’occasion d’éclairer les recherches d’un jour nouveau en développant des aspects, ignorés ou mal compris sous l’influence du romantisme dont les idées nourrissent encore aujourd’hui de nombreux clichés sur la façon d’habiter dans les Alpes[2]. Les textes montrent en effet que les paysans ne construisaient pas leur maison de leurs propres mains et qu’ils ne vivaient pas toute leur vie confinés dans leurs montagnes, loin du reste du monde, loin de la ville.

Cunéaz, 2004 - Photo Claudine Remacle.
Cunéaz, 2004 – Photo Claudine Remacle.

Parmi la multitude d’actes notariés (ventes, achats, testaments, inventaires après décès, contrats de mariages, reconnaissances de dettes ou quittances), les prix-faits ne se rencontrent pas souvent. On peut s’estimer très heureux d’en découvrir un par volume. En général, ils sont beaucoup plus rares encore. Certains notaires n’en traitent aucun; d’autres semblent presque spécialisés s’ils en rédigent une demi-douzaine au cours de leur vie active. En Vallée d’Aoste, ces actes portent des noms divers selon les époques: tachia ou tache avant la peste de 1630 et jusque 1660 environ, convention, prisfaict, prefect ou pact aux XVIIe et XVIIIe siècles, capitulation parfois à la fin du XVIIIe.

Concordé avant l’ouverture d’un chantier, le prix-fait est un contrat entre un maître d’ouvrage, en italien il committente, et l’artisan qui prend en charge les travaux de construction d’une maison, d’une chapelle, d’un pont, d’un canal, d’une digue ou d’un moulin. Ces textes ne sont pas accompagnés de plans ou d’esquisses. Dans un cas seulement, j’ai noté que le texte précise qu’il existe un petit dessein de référence (1728)[3]. Le prix-fait joue aussi le rôle de cahier des charges. Il aborde plusieurs aspects du chantier et définit les devoirs de chacune des parties en présence pour protéger aussi bien le maître d’ouvrage que le charpentier ou le maçon. Le notaire respecte un protocole précis. Après avoir écrit la date, le lieu, le nom des contractants et des témoins, il passe à la localisation du chantier et à sa description. Il énumère niveau par niveau les espaces que comprendra l’ouvrage et leurs dimensions et explique sommairement les travaux que le ou les artisans devront réaliser. Il donne alors parfois quelques détails très intéressants sur les matériaux à employer, sur leur mise en oeuvre. Peu après, il aborde un point crucial: les délais à respecter. Le notaire passe ensuite aux devoirs du maître de l’ouvrage. Ceux-ci consistent presque toujours en trois points importants: la fourniture des matériaux nécessaires à l’ouvrage, y compris le transport, la somme à verser et les modalités de payement. Le texte se termine par les formules habituelles de clôture des actes notariés et par les signatures ou les marques de chacun des présents.

 

2 – Les documents trouvés

A l’occasion de la préparation d’un ouvrage collectif de synthèse sur l’architecture rurale de la commune d’Ayas, j’ai effectué en 1998-2000 une recherche assez pointilleuse dans les Archives des Notaires d’Aoste en sélectionnant les minutaires de ceux qui avaient travaillé à Ayas au cours des XVIIe et XVIIIe siècles et de ceux qui, nés dans cette paroisse et notaires de profession, avaient pratiqué au sein d’autres communautés[4]: Arnad, Brusson, Challand, Introd, Montjovet, Pont-Saint-Martin, Saint-Vincent, Verrayes et Verrès. J’ai ainsi repéré une soixantaine de prix-faits, soit en profitant des index, soit en feuilletant systématiquement les volumes. J’ai également enrichi le corpus par des textes où apparaissaient des artisans: des inventaires après décès, des contrats d’association, d’émancipation et surtout d’apprentissage. Il n’y a pas de doute à avoir: certains documents m’ont certainement échappé. En effet, les notaires se déplacent au cours de leur carrière et lorsqu’ils voyagent pour rendre visite dans leur paroisse d’origine, il n’est pas rare qu’ils signent des actes chemin faisant.

Le but de la recherche était avant tout de comprendre les points suivants: qui étaient les bâtisseurs à Ayas ? Quels édifices construisaient-ils ? En combien de temps ? Avec quelles techniques ? Dans quelles conditions ? Pour quel prix ?

L’article qui suit se propose de répondre à ces questions en reprenant, en partie, un texte rédigé il y a deux ans[5], mais il est largement enrichi par l’analyse plus récente de l’ensemble du corpus. La moitié des documents concerne des raccards et le reste quelques édifices en maçonnerie ou des ouvrages collectifs (cure, moulin, pont), ou encore des travaux de réfection partielle de bâtiments (planchers, couverture, chambre en bois, cave, mur qui menace de tomber[6], contrefort ou onzine[7]). En plus, il n’est pas rare que les documents traitent de travaux de menuiserie, mais ceux-ci ne sont pas souvent estimés à part. La remise en état d’un raccard ou d’un moulin comprend en même temps que la façon des portes, celle des darbes[8] pour tenir la farine sortant de soubz les moulles[9], tout comme le prix-fait d’une cave comprend parfois la construction d’une crédence[10].

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais encore souligner comme il faut beaucoup de chance pour trouver dans les archives un texte concernant le chantier d’un raccard ou d’une maison existant encore aujourd’hui, intacte ou presque. En effet, les bâtiments sont sans cesse remaniés et ils sont souvent substitués par d’autres, plus à la mode. Les maisons peuvent également être tout simplement transformées à la suite des partages successoraux ou éliminées naturellement par vétusté. Lorsque l’édifice a survécu aux vicissitudes du temps, il est en outre parfois difficile à identifier avec certitude, car le nom du lieu peut lui aussi avoir changer, de même que les éléments remarquables de l’environnement immédiat[11].

A Ayas, j’ai eu la chance de reconnaître (sans l’ombre d’un doute) trois raccards et une partie de maison qui correspondent encore en grande partie à quatre prix-faits et je soupçonne plusieurs autres bâtiments d’être les versions réaménagées de constructions citées par les documents trouvés.

 

3 – Les maîtres artisans

  1. a) Les charpentiers et maçons d’Ayas

Qui sont donc ces artisans que les documents font travailler, ouvrer, construire, labourer des constructions de massonerie et charpentage[12] ?

Alors que de Courmayeur à Gressoney, la plupart des maistres cités dans les prix-faits sont originaires de la Vallée du Lys[13], et en particulier de Cymaz, de la paroisse d’Issime, à Ayas, la situation est différente. De génération en génération, les membres de quelques familles locales – Dondeynaz et Favre surtout – y travaillent comme charpentiers et maçons. Le premier, rencontré en 1609, est Jaques, fils Illegitime feu Cymon Pierre Dondeynna, dict Ginnoz, dudict lieu de Cunea, maistre masson et charpentier. Il travaille pour son fils Jaques, marchant au pays d’Allemagnie dans la région de Strasbourg[14], et lui bâtit au-dessus du village un membre de maisonnement à bois et à pierre[15].

A la même époque (de 1611 à 1620), un autre artisan, Pierre d’autre Pierre Conchastre, dit Sargin, travaille dans la zone de Lignod et d’Antagnod. Il passe cinq contrats chez le notaire Mathieu Visendaz, principalement pour la famille Chadel (trois fois) et pour la communauté (cure et moulins d’Antagnod). C’est avant tout un charpentier, semble-t-il, car l’un des actes précise que les parties du bâtiment construites en dur seront réalisées par d’autres que lui[16].

Ces six taches sont les seuls documents du corpus antérieurs à la terrible peste de 1630.

En 1633, alors qu’on imaginerait la chose peu probable à cause des effets de l’épidémie et de l’influence de la petite glaciation, un texte, rédigé par le notaire Claude Quey pour la famille Vefva, décrit la construction d’un estable et pailler à la montagne de l’Aventinaz, à 2.179 m d’altitude ! Il est entendu que les artisans, Pierre et Martin feu Jean, frères du Blan Fournier, seront aidés par six ouvriers, soit manovriers[17] pour les travaux les plus lourds.

Après une période de creux[18], l’activité de construction se poursuit. C’est entre 1649 et 1700 que les notaires d’Ayas nous ont laissé le plus grand nombre de témoignages sous forme de prix-faits: j’en ai, en effet, découvert une trentaine.

L’un des premiers artisans dont les textes signalent l’existence après l’épidémie est à nouveau un Maistre Jaques de Jaques Dondeyna dit Ginnoz – peut-être le petit-fils du précédent – mais il est de Champoluc. Il restaure en 1658 la chapelle dédiée à sainte Anne[19] en compagnie de Maistre Antoine de Gaspard Favre de Cunéaz[20] et il reconstruit en 1664 un raccard à l’amont du village, le raccard de Quartier[21], long d’environ sept toises (treize mètres).

Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, le corpus montre que plusieurs maîtres-charpentiers-maçons sont très actifs. Dans la famille Dondeynaz, on a simultanément deux Jaques, le jeune et le vieux[22]. Dans différentes familles Favre: Julles de Martin Favre de Cunéaz[23], Discret Martin de Pierre Favre, Pierre de Martin Favre.

Discret Martin de Pierre de Martin est maistre masson et charpentier du lieu des Allemandz[24]. C’est le constructeur de magnifiques raccards. A Ayas, ce type de construction, destiné à l’origine à la production de céréales (séchage, battage, conservation), s’est développé de façon presque grandiose aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les plus vastes édifices de ce type qui sont arrivés jusqu’à nous ont des semelles soutenues par dix-huit plots en forme de champignons, appelés dans les actes jambes avec palets de pierre (Voir relevé et photos). Un prix-fait de 1664, signé par Martin de Pierre Favre, propose la construction d’un raccard à vingt jambes aux Droles[25], soutenu en partie par des piliers et des arcades. Hélas, d’après la tradition orale, le bâtiment aurait brûlé à cause d’un incendie provoqué par un feu de joie mal contrôlé lors d’un mariage. C’est également le Maistre Martin Favre qui est chargé du chantier de la cure en 1666[26]. Monseigneur Albert Bailly, passé à Ayas pour la visite pastorale, a ordonné de raccommoder le bâtiment et d’adapter l’église aux nouvelles pratiques religieuses. Un long prix-fait décrit l’ensemble des travaux à réaliser. Maistre Martin Favre accepte et promet d’édifier, entre autres, un raccard posé sur un soubassement maçonné de six toises de long et de large, c’est-à-dire de 11,25 mètres de côté. Les communiers lui prêtent main forte pour mille journées d’ouvriers nourris et équipés d’outils: aux oeuvriers, pain et vin, avec leurs ustensilles comme foussons, palle, asche et autres que conviendra, lesquelz seront hommes fortz et cappables pour travailler suivant que leur sera commandé […]. Cet artisan se charge encore d’accomoder un raccard à Résy en 1667[27] contre lequel il construit, à l’aval, une annexe avec caves voûtées; en 1674[28], il bâtit à Antagnod un ediffice de maisonnement à bois et à pierre tout de neufz pour le notaire Claude Duc. Au surplus, s’il n’y a pas d’homonymie, il érige encore le clocher de la chapelle de Magnéaz douze ans plus tard[29].

Madone d'Oropa. Fresque sur la maison du notaire Lateltin à Pilaz, Brusson -Photo Claudine Remacle
Madone d’Oropa. Fresque sur la maison du notaire Lateltin à Pilaz, Brusson -Photo Claudine Remacle

Ce maître est probablement déjà connu par un épisode marquant de sa vie, un miracle, relaté par le Curé Clos[30]. Au cours de l’été 1666, alors qu’il procède à la coupe de mélèzes avec son fils Pierre et cinq ouvriers, un arbre s’abat sur lui. Pierre invoque Notre-Dame d’Oropa et fait un vœu. Sauvé, maître Martin Favre se rétablit rapidement et ratifie le vœu en faisant célébrer plusieurs messes et en consignant l’événement dans les registres du sanctuaire.

Maistre Pierre de Martin Favre, est sans doute le fils croyant qui a demandé l’intercession de la Vierge. D’après les prix-faits, il semble tout simplement plus expert maçon que charpentier, mais il restaure aussi de vieux raccards. Entre 1674 et 1685, il travaille à la construction de trois maisons en pierre, l’une aux Allemands, avec Maistre Jean Curtaz d’Ollagna[31], l’autre à Beaubois[32] en 1679 et la dernière à Bernosin en 1680; il effectue des travaux variés au Frachey et à Rovinal[33] et bâtit deux caves, deux crottes, à Blanchard[34].

Bien que le XVIIIe siècle soit caractérisé par une intense activité de construction[35], je n’ai repéré qu’une trentaine d’actes de 1704 à 1771, dont la majorité ne traite que de petits travaux. Deux d’entre eux cependant concernent des raccards conservés: celui dit d’Ardisson[36], construit par Jean-Claude Favre feu Pierre de Périasc et le raccard du Closier à Pilaz, bâti par Jean-Joseph feu Pierre Favre (voir relevé et photos).

D’autres charpentiers sont actifs: Maistres Jean Michel et Antoine, frères, feu Antoine Frachey qui érigent un raccard à Cunéaz en 1718[37] et Jean-Louis Dondeynaz, fils de Jean-Louis, qui travaille à Champoluc en 1738. Contrairement au XVIIe siècle, les actes ne présentent pas de séries de chantiers réalisés par le même artisan. Les Favre sont toujours majoritaires, mais il y a également un Viot[38], un Billia[39], un Borines[40], un Fouçon[41], un Fornier, un Obert[42], un Quey[43], un Vescoz[44] et un Vuillermet[45] et deux frères Duc[46].

 

  1. b) Les migrants saisonniers

Alors qu’au XVIIe siècle, on ne rencontre presque pas de migrants saisonniers dans les archives consultées[47], au XVIIIe siècle, plusieurs d’entre eux séjournent à Ayas. Ils proviennent de la basse vallée du Lys et travaillent sur place. Ils sont surtout spécialisés dans les travaux de maçonnerie. A Antagnod, le 2 mai 1734, le maçon Laurent Gros de Fontainemore promet de réaliser une cave et une boutique voûtée pour le sire Maurice Favre, marchand originaire de Tarentaise en Savoie[48]. Deux maçons d’Issime, maîtres Guillaume Labaz et Pierre Trentaz, construisent un domicille au lieu dy Goils dessous pour les frères Rollandin en 1748[49]. De même, c’est un artisan de Perloz, Barthélemy Vignal[50], qui se présente devant le notaire Joseph Finaz en 1749 pour bâtir dans le village un four privé dont l’avant-toit est soutenu par deux piliers. Ce four est destiné à maître Jean-Pierre Rollandin. En 1764, Jean-Pierre de feu Pierre Vacher, originaire de Fontainemore[51], est chargé du chantier de la maison de Joseph Favre à Pilaz. Le contrat ne prévoit que les deux premiers étages maçonnés. Sur place, au village de Pilaz, on trouve actuellement une grande maison à quatre étages en pierre, dont le faîte rappelle la date de pose, 1765, avec les initiales du fondateur, IIF de Jean-Joseph Favre, accompagnées du monogramme du Christ, IHS. Jean-Pierre de feu Pierre Vacher bâtit avec son frère l’école de Champoluc, tout en pierre, en 1770[52] et travaille aussi, en 1771, à l’aménagement de la mine de cuivre du Mont Ros pour le sieur Jean-Antoine Creston de Valpelline[53].

L’étude des contrats de construction permet de découvrir également d’autres artisans, dont je ne parlerai pas ici. Ce sont des spécialistes: des experts maçons, menuisiers, sculpteurs, doreurs, horlogers, provenant en général de la Valsesia et du Val d’Andour (Biella), qui à tout moment sont présents à Ayas pour la reconstruction des chapelles et de l’église, du mobilier et des portes des édifices de culte, des sculptures des autels. Leurs noms sont déjà connus par les ouvrages de Bruno Orlandoni[54].

Deux artisans provenant de Gressoney semblent avoir joué également un rôle, mais ils n’apparaissent pas dans les prix-faits : maistre Joseph Laurens qui épouse Marie-Catherine Fouçon de Mascognaz[55] et qui s’installe à Magnéchoulaz vers 1709 et la lignée des menuisiers David, installée dans le même hameau au milieu du XVIIIe siècle[56].

Malgré ces quelques cas, les contrats mettent en action, à Ayas, des experts charpentiers, mais surtout des artisans locaux, spécialisés à la fois dans les travaux du bois et de la maçonnerie. On ne peut pas dire, semble-t-il, que l’on se trouve, alors, devant deux «cultures» architecturales, l’une de la pierre et l’autre du bois. Les maîtres locaux sont très souvent polyvalents.

De 1671 à 1701[57], quatorze contrats d’apprentissage montrent en outre que quelques maçons d’Ayas sont de véritables petits entrepreneurs. Ils embauchent des apprentis pour partir travailler à l’étranger sur des chantiers dont on ne sait rien. Ce sont ces valetz, parfois passé Maistre, que l’on rencontre plus tard, mis en scène grâce aux prix-faits.

Les conventions pour la formation des artisans sont traitées entre le maître et le jeune homme si ce dernier est émancipé; dans le cas contraire, c’est le père qui signe l’acte. Les termes des textes sont clairs: en 1676, par exemple, le jeune Pierre Mat accepte de demeurer au service de maître Burguey pour trois ans et de travailler en l’art de maçonnerie au pays de Lorranie, soit autre lieu qu’il trouvera plus commode que plaira audict Burguey[58]. De son côté, le maître promet à Pierre Mat qu’il lui préparera de la nourritture convenable, qu’il le laissera assister à la sainte messe et aux services divins les dimanches et les jours de fêtes et, qu’après trois ans, il lui remettra huict pistolles, moitié d’Espagne, moitié d’Italie. En outre, et c’est le plus important, il lui montrera et enseignera le métier de maçon, à condition qu’ils demeurent ensemble en bonne paix, amitié et cordialité et que Burguey fasse tout ce que bon maistre est obligé de faire à un loyal et obéissant serviteur. Le contrat prévoit souvent que le maître fournira à l’apprenti une paire de bons souliers ou bien des habits. La dépense est alors anticipée et déduite ensuite du salaire à la fin de la formation.

Pour apprendre, les jeunes s’associent à des artisans plus âgés. Entre 1670 et 1680[59], c’est vers la Lorraine et les Pays d’Allemagne que se dirigent les maîtres-maçons qui embauchent à Ayas: Jaques Vincent de Gressoney, Jaques le jeusne Dondeynaz et Joseph Burguey d’Ayas[60]. En 1680, le maître-maçon Pierre Favre prend comme apprenti un jeune de Gressoney: Jean-Pierre d’Angellin Curtaz.

Les contrats d’association proprement dits sont plus rares que les contrats d’apprentissage. Pourtant maistre Jaques le jeusne Dondeynaz et maistre Joseph d’Isaac Billia[61] conviennent en 1672 d’estres compagnons et frères pour travailler au mestier de massonerie et taille de pierre […] audict pays de Lorraine, […] pendant le temps et terme de trois ans advenir […]. En fait, au XVIIe siècle, le canton des Allemands (Cunéaz en particulier) apparaît dans les actes des notaires comme un véritable creuset d’où sont originaires des charpentiers et des maçons qui partent comme migrants saisonniers, mais aussi ceux qui sont très actifs à Ayas: les Dondeynaz, les Favre et les Billiaz.

Les actes notariés montrent aussi que les enfants des artisans contractent fréquemment avec leur père leur émancipation. Ils souhaitent être remis hors de leur puissance[62]. La cérémonie se déroule suivant la coutume. Voici un exemple évocateur: maistre Pierre de Marc Viot, étant assis sur un scabeau, se sont présentés humblement Jean Pierre et Jean Joseph, ses filz légittimes, aagé ledit Jean Pierre d’environ vingt six ans et ledit Jean Joseph de dix huit ans, prosternés à deux genoux, teste découverte, sans ceinture, leurs mains joinctes entremy celles dudit leur père[63]. Le père demande alors que ses fils soient mis hors de sa puissance, qu’ils deviennent des hommes libres pour pouvoir traficquer, marchander, négotier, acquérir à leur propre nom, vendre, donner, eschanger, tester codicilles. Les gestes qui suivent, marquant l’émancipation, sont symboliques: le père libère les mains qu’ils tenaient dans les siennes, fait lever ses fils, leur remet leur chapeau sur la tête et leur rattache la ceinture; C’est ainsi qu’il leur donne le pouvoir de faire tout ce qu’une personne usant de ses droits peut faire et, pour marquer l’accord, il leur cède quelques biens fonciers de son patrimoine.

Les constructeurs des raccards et des maisons en pierre aux XVIIe et XVIIIe siècles, sont donc, à Ayas, des Ayassins. En général, ils sont seuls lorsqu’il passe le contrat, mais certains sont de véritables « entrepreneurs », quoique ce terme n’apparaisse jamais dans les archives de la période prise en considération. Ils dirigent souvent de petites équipes d’ouvriers[64] ou soutraitent certaines parties de l’ouvrage à de bons et habiles maitres tant en massonnerie que charpenterie[65]. Ils travaillent fréquemment en famille, avec leurs frères surtout, pris comme manouvriers capables[66]. De ces ouvriers, on ne sait naturellement presque rien, à part que le maître d’ouvrage doit prévoir leur nourriture pendant la durée du chantier, comme par exemple le Sieur Joseph Finaz qui, lors de la construction d’un raccard à Magnéaz en 1704, promet de fournir le pouttage au maître Jean Borines et à ses ouvriers deux fois le jour pendant le travail[67].

A la même époque, les jeunes Ayassins, très nombreux[68], sont contraints à émigrer en hiver comme scieurs de long. Ils vont travailler à la grande scie en Piémont[69], ou encore, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ils émigrent temporairement comme sabotiers[70]. Cette émigration hivernale est nécessaire pour permettre à chacun de se nourrir: comme on le souligne à Ayas, ces jeunes, dans la force de l’âge, partaient avec leurs dents !

Les relations des gens de métier avec d’autres contrées, situées au nord ou au sud des Alpes, étaient donc importantes. Les textes cités le suggèrent et montrent combien les Ayassins se déplaçaient souvent. On peut considérer que les constructions que je vais décrire par la suite ne sont pas simplement le fruit d’une élaboration du terroir, mais qu’elles sont liées à l’ensemble des transformations des techniques et de l’architecture domestique en Europe. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, Ayas est insérée dans un réseau de relations humaines à l’échelle européenne[71]. Pour la taille de la pierre, on y a appliqué des techniques identiques à celles que l’on retrouve un peu partout en Vallée d’Aoste[72], en Savoie, en Piémont et aussi en Alsace-Lorraine. Il s’y est développé, au surplus, un art de la charpente tout à fait original. Cette maîtrise puise peut-être ses racines dans un passé profond, mais elle s’est certainement enrichie grâce aux contacts extérieurs des artisans.

 

4 – Les espaces de vie dans la maison

Avant de passer à la description architecturale des maisons, il est important de pénétrer à l’intérieur des pièces traditionnelles d’habitation pour pouvoir, plus tard, mieux comprendre ou apprécier la variété des modèles de maisons et leur évolution.

Je ne m’arrêterai pas aux locaux de réserves: caves, greniers, fenils, aires de battage et paillers. Nous pénétrerons au cœur des espaces de vie: l’étable, la cuisine et le poêle. Cette description rapide est rédigée à partir d’inventaires après décès, très nombreux dans les archives notariales concernant la paroisse[73]. Ils permettent d’esquisser en quelques pages un tableau des intérieurs de 1670 à 1770.

Comme cela arrive fréquemment dans le domaine savoyard (Piémont, Maurienne, Tarentaise), l’étable, à Ayas l’ehtoul, est habitée en hiver, parfois même toute l’année. Le coin réservé aux hommes, lo gabénet, est bien délimité, lambrissé et meublé d’une table et de deux bancs, situés près de l’entrée et éclairés par une ou deux fenêtres. Toute la population, y compris les notaires, pratique, durant les mois les plus rigoureux, la cohabitation avec le bétail[74], mais il faut préciser qu’au XVIIe et au XVIIIe siècle, dans les étables, le cheptel bovin est peu nombreux (5 vaches et 3 veaux pour les plus riches). Chez Joseph Chasseur d’Antagnod (1739[75]), on trouve une mulle de 2 ans, une mulle d’un an, trois vaches, une génisse de 3 ans, une génisse de 2 ans et douze moutons, brebis agneaux. En 1774, à Crest, chez Jean-Louis Brunod[76], il n’y a pas moins de 12 brebis (valeur: 30 livres), une vache d’environ huit veau (45 livres), autre vachée sous poil rougeastre tirant sur le blanc d’environ dix ans (38 livres), un petit boeuf de quattre mois (dix livres), un autre veau femellaz de trois mois (8 livres), un autre veau male (6 livres), un autre veau femellaz (8 livres) et un ane soit boriq taxé 45 livres. Il s’agit de deux exemples du haut de l’échelle sociale paysanne, car, en 1752, la pauvre veuve de Louis Becquet[77], véritablement démunie, n’a qu’une chèvre âgée de six ans.

La variété du cheptel témoigne de la grande prévoyance des éleveurs, mais elle démontre l’existence d’autres activités lucratives. On sait par la consigne du bétail de 1734[78] qu’il n’y a pas moins de 2.359 ovins et caprins à Ayas contre seulement 842 bovins[79]. En outre, le recensement signale qu’il y a alors 142 mulets et 44 ânes pour une population de 1.756 habitants. En fait, on élève les mulets pour les vendre à la foire de Notre-Dame d’août aux Valdôtains des communes voisines, aux Gressonards en particulier[80]. Mais les bêtes servent surtout pour tirer la charrue dans les champs et pour le transport des charges entre le village et la montagnette, entre la maison d’Ayas et celle de la plaine[81], où les Ayassins cultivent quelques vignes. Dans les étables, les mouttons, brebis et agneaux, blancs ou noirs, sont toujours en plus grand nombre que les autres bêtes. Quand ils dépassent la douzaine, on découvre dans les listes d’inventaire les preuves d’un artisanat local très répandu alors: la confection de gants et de bas en laine destinés au commerce. En 1736 à Cunéaz[82], chez Jean-Michel Chasseur, on trouve: la quantité de quattre douzaine de pair de baz neuf pour vendre et trois douzaine de paire de gands. On se rend facilement compte que cette activité est rentable à l’époque puisque qu’une vache vaut alors de 30 à 45 livres.

L’habitation proprement dite est souvent composée de deux espaces complémentaires situés à l’étage: la majón et lo péyo, la cuisine ou maison focale et le poêle. L’ameublement intérieur, aux XVIIe et XVIIIe siècles, est presque partout sommaire et, d’après les descriptions de A. Letey en 1968[83], la situation est restée fort semblable au XIXe. Dans les textes analysés, le mobilier est hélas rarement bien localisé, sauf dans les maisons de deux personnages importants: celle de Joannin Obert à Pilaz, un riche personnage, en 1676[84], et celle du notaire Phélix Emanuel Fornier à Bisous en 1688[85]. Ce sont des maisons meublées de façon variée pour l’époque, avec archebanc[86] à côté de la cheminée et crédence dans la cuisine; tables, chaises, armoires et lits au poêle.

Quel que soit le niveau social, la cuisine, la majón, se caractérise naturellement par la présence du feu ouvert, de l’âtre près duquel sont rangés tous les objets nécessaires à la préparation des repas. Le gros de la batterie de cuisine est en bronze, en cuivre ou en fer: casserole, chaudière, chaudron, marmite ou aremine, pèle à lard avec un manche dite dollande (1761), pèle à châtaignes, seaux, louches, bassins. La chaîne à feu, la crémaillère ou c(r)umacle de fer à boucles et à trois bras, est à sa juste place dans la cheminée. Chez certains, il y en a plusieurs. En revanche, la pauvre veuve de Louis Becquet[87] n’en a qu’une et un quart parce qu’elle partage le droit d’usage à une seconde chaîne à feu avec ses beaux-frères. Parfois le mobilier de la cuisine s’enrichit d’un landier soit broche à rostir, de trépieds, d’une pelle à feu, soit bernage. On trouve naturellement aussi les ustensiles en bois pour fabriquer beurre et fromage: la burrière ou la baratte, soit bus ou buc, un premiau[88], un colliau[89], une petite forme à fromage, un mortier pour piller le sel. Les maisons sont éclairées par des lampes à huile, soit crusuil, et parfois par une lanterne. C’est dans la pièce où se trouve l’âtre que sont situés tous les meubles nécessaires à la préparation du pain: le pétrin, appelé amet ou arbe[90]; la table à pétrir, la toule, les tablettes pour poser les pains et les ustensiles du four. C’est là aussi qu’est habituellement rangé dans un coin l’outillage en fer avec manche en bois commun à tous les inventaires: des bêches, soit pales, un trident, une ou plusieurs pioles et piollets[91], un fouchet[92] pour émonder les arbres, un sappin pour les ollines[93], plusieurs sappes[94] pointues ou poignantes, une sape des rives[95].

Alors que la maison focalle est un espace de travail, le poêle, lo péyo, est la pièce de séjour par excellence, tout comme l’étable peut l’être en hiver pour tous ou toute l’année chez les moins nantis. Le poêle est séparé de la cuisine par une cloison en bois, mais les deux pièces communiquent grâce à une porte. On mange au péyo, on y dort. On y naît et on y meurt aussi. Malgré le nom de la pièce, les poêles, les fornets, sont rares.

Pour manger et pour s’asseoir, il y a une ou deux tables garnies de longs bancs, mais il semble qu’aux XVIIe et XVIIe siècles les tables soient souvent mobiles, car elles n’ont en général qu’un pied[96]. Les chaises et surtout les fauteuils avec dossier sont peu fréquents. Les meubles rudimentaires construits par le paysan lui-même ne sont pas décrits dans les inventaires. Le notaire les cite en vrac. La vaisselle de table est généralement en bois. Elle se compose de tranchoirs, d’écuelles et de plats. Parmi les objets de table, il est intéressant de souligner la présence presque généralisée d’un ou deux pots en étain. Il n’est question de grands services avec plats, assiettes, sallières, voire tabaquière, que chez quelques personnages de rang élevé (Joannin Obert, 1676; Joseph Chasseur, 1739; Jean-Martin Raymond, 1736, jadis greffier). Chez eux, une suite bien rangée de pots et de channes en étain garnissaient les étagères de la crédence. Dans la plupart des familles, il s’agit seulement de deux ou trois récipients pour le vin et de quelques mesures (bocal, demy pot et pot).

Pour dormir, on trouve au poêle un ou plusieurs lits avec charet[97], si la famille est nombreuse, et parfois un ou deux berceaux. Les formes de lits sont souvent attachées à la paroi, au mur, et comportent des tendines, des rideaux. Il ne faut pas imaginer que le confort soit banni à Ayas. Certaines familles de notables connaissent les commodités, voire une certaine élégance. Le lit principal de l’hoirie de Joseph Chasseur[98] possède en 1739 un tour de lit blanc avec des dentelles et des franges et voisine avec deux belles tables de noyer avec leur tiroir neuves, un fauteuil et huit chaises de noyer neuves.

On se protège du froid de la nuit à l’aide d’une peau de brebis ou de mouton et, surtout, avec une ou deux couvertes de drap de laine. En 1676, chez le commendable Joannin Obert, il y en a trois, et, en plus, l’un des lits est garni d’un édredon de plume, un plumin ou tecquebet[99].

Les vêtements sont eux aussi en drap. Les femmes portent des cottes de drap du pays, des langets, des devantiers[100]. Les couleurs sont parfois très vives: cottes de couleur blanche, bleu et brune, qui contrastent avec le bust vert, le langet rouge ou verd, le devantier blanc ou verd[101]. Les hommes aussi sont vêtus de drap. En 1769, au Trochey, on trouve un habit de drap d’Ayas tanet usé, une veste aussy de drap d’Ayas bleue, une veste de ratine bleue usée, une veste grise de drap de France, une paire de bas noirs, un gillet de frison, deux paires de solliers[102]. Chez Merlet (1742), on ne consigne que deux pièces: un juste corps soit habit et cullote de drap tanet et une veste de bon drap[103]. Chez le menuisier David de Magnéchoulaz[104], il y a un chapeau et un manteau de drap d’Allemagne gris. Tous ces vêtements sont probablement rangés dans des coffres.

En effet, les armoires sont encore extrêmement rares[105] et il n’y en a que chez les plus cossus. En outre même chez eux, il n’y a pas encore d’horloge. Le meuble-roi est partout le coffre et l’arche avec serrures. Dans l’hoirie de Jean-Jacques Favre à Cunéaz[106] (1753), il y a deux coffres, un avec ses ferrages et l’autre non, et une arche. Ce personnage n’est ni riche, ni pauvre. Chez les héritiers de Joseph Chasseur, par contre, le notaire bâcle son inventaire à certains moments (il n’en finit plus!), car il y a trop de mobilier: dix arches tant grandes que petites, sept archons, deux autres ferrés, etc. En fait, on range de tout dans les coffres: du fromage à la cave; du grain au grenier ; des vêtements, du linge varié, des papiers de maison et même des livres dans le poêle[107]!

En 1688, chez le notaire Fournier[108], il est intéressant de noter qu’il y a des lits dans plusieurs chambres. Le partage des meubles de l’hoirie passe en revue le mobilier en circulant d’une pièce à l’autre. En voici des extraits: plus une arche […] avec ses ferrures, sarallies qu’est dans une chambre haute du coste du couchant dans lesdicts domicilles, soit raccard, dessus la salle neufve; item, dans laditte sallette, un lict avec ses tendines noires et trois portraits des sainctz, soit ymages atachées, plus un archeban neufz contre la cheminé, un banc neufz, une table longue avec son tiren; item une allibarde, une picque et un langue beufz avec lensigne d’alphier usée[109]; plus, dans la crotte dessoubz laditcte salle, trois tonneaux […], plus, dans la salette dessus, deux arches […], un lict et une petite table […]; plus, au grennier dessus, une arche […] et encore un lict; plus, dans le poille dessus l’estable, cinq tables, deux grandes, une médiocre et deux petittes […], disant l’une d’icelle estre celle de la salle desssoubz le rascard, et deux lict, l’un petit attaché à la paroye et l’autre garni avec le ciel de bois dessus et encour ses tendines à deux toilles d’un costé, plus deux buffetz soit armoire contre le fornet ÿ ataché, item quattre seze[110] de bois sauvage pour sassoir; plus, à la maison contre la loge[111], une arche […], deux ametz à paistrir le pain et la toulle appartenant et autres tables et ustensils pour le four, une crédence à portillion au sommet presque neufve; item, dans la maison nefve, un banc contre la cheminée; plus, dans la salette dessoubz, deux arches […]; plus, à la crotte dessoubz maison, deux tonaux […], deux arches […], une méchante tine[112] […], un cuvel[113] […].

Malgré sa complexité, le texte présente un modèle architectural fréquent: les deux étages en maçonnerie situés sous un raccard avec une maison focale en annexe, tel que je vais les décrire au paragraphe suivant.

5 – Les modèles architecturaux

  1. a) Les maisons en pierre

Le recensement systématique de l’architecture rurale, organisé sous l’égide de la Surintendance régionale des Biens culturels, s’est déroulé à Ayas de 1996 à 1999. Le tri des fiches permet de discerner clairement les modèles adoptés lors de la construction des maisons. Des plans identiques se répètent dans de nombreux villages. Ils correspondent à une attitude culturelle, à un genre de vie qui évolue avec le temps. On remarque que, dès le XVIe siècle, les maisons à fonctions concentrées[114] en pierre voisinent avec des maisons dissociées en plusieurs corps de bâtiments. Il existe, depuis le bas Moyen Age, de petites constructions en pierre comprenant le foyer ouvert, la cheminée, annexée au raccard à cohabitation hivernale à l’étable. Comme dans le reste du Val d’Aoste, le modèle prend la forme d’une petite tour, à deux ou trois niveaux, exceptionnellement quatre. Ces petites demeures datent aussi bien du XVe siècle que du XVIIe. Elles sont de plan carré ou rectangulaire. A Lignod, l’une d’elle est bien conservée; elle porte la date de 1554, mais il s’agit d’un modèle de construction antérieur[115]. Deux prix-faits décrivent ce genre de petit bâtiment: l’un aux Allemands, […] sçavoir les quattres murailles de l’autheur de trois estages, une maison focaire par le fond, et audessus ung poille, et sur ledict poille une sallette[116]; un autre à Blanchard joucte du domicille vieux, […] une crotte, de largeur environ cinq quart de toise et de longeur deux, avec une maison dessu ladicte crotte[117] […].

Ces maisons, parfois isolées, n’abritent aucun espace destiné à l’exploitation rurale, mais toujours le foyer, l’âtre.

En revanche, la maison-bloc à fonctions concentrées tout en pierre, comporte au premier niveau une étable et une cave; à l’étage, une chambre de séjour, lo péyo, et une cuisine, la majon, et au-dessus encore un fenil et une chambre à provisions. Le modèle est présenté à merveille dans un contrat datant de 1679[118]. La description considère les espaces superposés compris entre murs porteurs, une travée après l’autre, puis passe aux dimensions: un tennement de domicilles au lieu du Beaubois de ça, pertinences des Allementz […] contenantz une estable, poille dessus et le pailler dessus; plus une crotte jouxte dudict estable, maison dessus, aussy crottée dessus ladicte crotte, et une garde robe dessus, avec la cheminée convenable endicte maison et le réduict dessus ladicte garde robe, […] l’estable de trois toises d’un costé et deux toises et demy de l’autre[119] et maison, poille et garde robe à la mesme mesure et d’auteur six piedz[120] pour chesques domicilles saoufz le pallier et garde robe cinq pieds et demy[121]. Le notaire Joseph Favre procède de la même manière un an plus tard pour décrire le domicile à construire, au terroir des Allemands au lieu de Bernosin[122]: scavoir premièrement un estable de la longeur et largeur de trois toises de beu[123] dedans de touttes carre […], plus un poille dessus de la mesme qualité, plus dessus un paillier aussy de la mesme qualité […], plus jouxte dudict estable une crotte soit cellier de la mesme longeur dudict estable de trois toises et d’une toise et demye de largeur de beu […], plus dessus une maison de la mesme forme.

Le plan de la maison-type, y compris le rôle joué par les différentes pièces, est ainsi tracé et les dimensions fournies indiquent avec précision la grandeur de l’ouvrage.

En ce qui concerne la hauteur des différents étages, l’angle, le coin du bâtiment, la carre[124], joue un rôle fondamental, de même que le nombre d’étages: illec construire ung ediffice nouveau de pierre, chaux et areyne de troys mittes d’auteur[125], scavoir ung estable de l’auteur de cinq quart de toise[126], ung poelle et maison foccaire, jouxte icelluy, sur ledict estable, de l’auteur de cinq quart de toise d’un trap à l’autre[127], avec ung pallier existans sur ledict poelle et maison foccaire de l’auteur d’une toise et demie de carre, outre l’auteur de lalle[128] de la couverture.

Quant aux deux ou trois étages construits en maçonnerie sous les raccards, ils sont considérés comme un bâtiment à part entière et ils sont décrits dans les prix-faits indépendamment de la structure en bois. Les textes passent en revue les espaces[129], l’un après l’autre, en précisant parfois les correspondances entre les plans: que sentendra en icelle construction au fondement[130], estable et, joinct ledict estable, cellier, entreparti[131] d’ung mur de long, sur l’ensemble dessus esdictz estable et cellier, poielle et maison focaire et une chambre, le tout à pierres et mortier à terra[132]. Pour le soubassement du raccard du notaire Claude Duc à Antagnod[133], le fondement sera un estable et crotte avec l’alloir[134]; dessus un poille, maison focalle et cabinet, lesdites maison et cabinet voutez. Près d’un siècle plus tard, le modèle n’a vraiment pas changé, lorsque le maître-maçon Jean-Pierre Vacher de Fontainemore contracte qu’à Pilaz dans lesdittes murailles sera faites un estable et cave joint, dessus un poille et une maison joint[135].

Dans presque tous les plans, les escaliers sont extérieurs. On monte à l’étage par un modeste perron: des degrés à pierre pour entrer à la maison à la porte de devant[136] ou, dans le cadre d’une habitation double, avec deux eschellier (sic) de pierre devant chesque crotte pour monter aux deux maisons[137].

Un seul bâtiment possède un escalier intérieur, un viret sur trois niveaux, ce qui témoigne du statut social remarquable du maître d’ouvrage: Jean-Jacques Viot[138].

b) Les raccards

La base du raccard étant considérée comme un bâtiment à part entière, il arrive qu’elle existe déjà au moment du contrat. Si le prix-fait comprend les deux parties, elles sont nettement séparées: on décrit d’abord complètement la partie maçonnée et toutes les particularités techniques liées à l’emploi de la pierre, puis on passe plus loin au rasquard ou rascard.

Les textes présentent une grande diversité de modèles. Comme le montrent encore les bâtiments conservés sur place, les édifices au plan symétrique prédominent. Dans un cas, la description est omise (1620), parce que la construction neuve doit suivre le plan d’un raccard voisin:

Jambe avec palet, Frantse, 1721 - Claudine Remacle
Jambe avec palet, Frantse, 1721 – Claudine Remacle

construire ung nouveau rascard à jambes et à paletz de la grandeur et auteur et forme qu’est le rascard appellé le rascard du munier [139].

Ces constructions typiques du Val d’Ayas, mais aussi du Valtournenche, sont présentées avec rigueur dans presque tous les contrats. Certains raccards sont très grands, ils comprennent deux étages comme celui des Droles: plus fera un rascard à vingt jambes […] avec deux chamberaux[140] et quattres greniers, deux du couchant et deux du levant, et réduict sur lesdictz greniers a fustes[141] […] et deux aires audit rascard, l’une sur l’autre[142]; d’autres suivent le modèle le plus courant avec aire de battage centrale et, de part et d’autre, deux fois deux gerbiers:

Le raccard d'Ardisson, La Croix, Ayas - Photo Claudine Remacle
Le raccard d’Ardisson, La Croix, Ayas – Photo Claudine Remacle

plus qu’il faira un raccard sur jambes dessus ledit fondement […] à quattre chamberaux et l’ayre au millieu […] avec deux chambres contre les dits chamberaux du cotté du midi vers le grand chemin, à chaque cotté au sommet de l’ayre, au devant de l’ayrette[143].

Certaines constructions en bois sont plus petites et sortent du schéma «classique», comme le raccard construit à Pilaz en 1770[144] (voir relevé): un racard […] à deux chamberaux et l’aira du côté du couchant […] avec les bouchets du côté de l’eau blanche pour y faire une chambre. Malgré sa dissymétrie, ce raccard se place, territorialement parlant, exactement comme tous les autres dont l’aire de battage est centrale. La porte double est à l’amont. En effet, à Ayas, dans les villages et les hameaux, les bâtiments s’étirent fréquemment le long des courbes de niveau et se succèdent ou se pressent les uns contre les autres aux bords des chemins de dessertes. Ce processus d’«urbanisation» dérive tout simplement de la construction systématique du même modèle architectural, le raccard, qui dominait probablement au moment où se sont fixées les limites stables de propriété dans les agglomérations. On accède à l’étage inférieur en maçonnerie, à l’étable et à la cave, par la façade aval, tandis que l’on entre dans la structure en bois par la façade opposée à l’amont. L’adoption généralisée de ce modèle culturel a généré des villages en longueur, où les bâtiments forment parfois des chaînes de plusieurs dizaines de mètres.

La construction de corps annexes en bois apparaît, elle aussi, dans les prix-faits comme une variante architecturale. En 1675, les maistres Jacques Dondeynaz et Antoine Favre sont chargés de faire pour Discret Pierre Duc de Champoluc ung apponail[145] de rasquard jusqua plan de l’autre et rendu couvert. De même, en 1740, ce terme étrange réapparaît: un certain Sarteur fait construire un rascard ou aponeise et une muraille aux deux angles de la crottine pour pouvoir poser les jambes dudit aponeise[146].

Au surplus, on trouve des annexes en bois construites en madriers[147] avec la fonction de chambres à provisions ou de séjour : faira sur laditte crotte ung poille à lappes et sur le dict poille un reduict[148]. Il reste quelques témoignages in situ de ce genre de construction à Résy, à Mascognaz et à Périasc.

Les petites demeures en pierre, dont j’ai parlé au début du paragraphe, possèdent souvent en façade principale une chambre en bois, posée en encorbellement sur de grosses poutres, des bouchetz. Ces consoles en bois, plantées dans les murs de pierre, supportaient des sablières rainurées, hautes et basses, assemblées à des poteaux d’angle, dans lesquelles on glissait des planches verticales embrevées, des boudrons. Grâce aux prix-faits, on sait qu’on ajoutait parfois ces chambres à des bâtisses en pierre déjà terminées. Le vieux Jaques Dondeyna, dit le Vieulx de Champolluc[149], en construit une en 1680 contre la maison de Guillaume Duc, de la porte d’entrée au coin tourné vers le glacier du Mont-Rose, vers la roise. Ces petites chambres à bois servaient de greniers et l’on y conservait les pains cuits pendant l’hiver[150], tout comme dans les tchambrette ou les greniers des raccards.

6 – Les matériaux de construction

Lors de la construction d’un raccard ou d’une bâtisse en pierre, le repérage des matériaux, leur transport, leur entrepôt sur un espace libre près du chantier et leur achat étaient l’affaire du maître de l’ouvrage, du fondateur de la maison. Certes, nous avons du plaisir à croire que les bâtiments d’autrefois étaient construits par leurs futurs occupants et, davantage encore, dans un bel élan de solidarité, par tous les voisins[151]. La préparation des matériaux était une phase nécessaire à la construction. Elle était longue et pénible et précédait en grande partie la stipulation du prix-fait. Au surplus, c’est certainement ce lourd travail, pris en charge par le propriétaire du bâtiment à construire et par sa famille, qui a donné naissance à l’idée que les paysans étaient aussi des bâtisseurs.

Les documents précisent donc presque toujours que c’est le maître de l’ouvrage, «il committente», qui est tenu de faire la soigne[152] et d’amener toutte la preparattion et matière sur ledict lieu tant de bois, pierres, fer que aultres quelconques y servant et competantz pour ladicte facture et construction à ses frais et despens. Il apporte sur la place proche ou à l’entour de la batisse: la pierre, le chaux et l’araine requis[153]; tout le matériau sur le lieu, comme pierre, chaux, bois et autres[154]; ou encore le blanchun[155], c’est-à-dire la terre argileuse qui faisait office de liant au niveau des étables sous certains fenils ou aux montagnettes. Là, les murs étaient montés sans sable, ni chaux: garnies à mortier de terre blanche, dite blanchun[156].

A Résy, en 1667, les frères Frachey remanient et agrandissent le vieux raccard situé encore aujourd’hui au pied du petit hameau[157]; pour ce faire, il est prévu qu’ils conduiront ou fairont conduire tous les matériaux comme bois, pierre, labies, chaux, araine et autres, […] dessus le lieu proche dudit edifice au lieu le plus comode que faire se pourra et pour lesdittes labies ledict Favre les faira porter de dessus la place sur le toict et pour les reste, comme aussy le ferrage, le tout proche des pontz, à savoir à coté des échafaudages.

Lorsqu’il faut extraire des pierres à partir de gros blocs erratiques et les tailler pour un usage particulier, comme les éléments des chaînes d’angle, les linteaux ou les piédroits des ouvertures, le contrat précise que l’artisan sera obligé d’aller travailler les pierres soit chantons où les communiers les trouveront et eux les conduiront sur le lieu[158]. De même, lorsqu’en 1748, Pierre-Gaspard Rolandin décide de construire un four privé, il prévoit que maître Pierre Trenta d’Issime fera préparer à ses frais toutes les pierres particulières: les sultans soit pierres à paver ledit four et les autres pierres à l’embouchure dudit four, mais ledit Rolandin sera tenu à la conduite d’icelles[159].

Presque tous les contrats précisent en outre que le maître d’ouvrage fournira les ferrages et les sarallies[160] ou fer des croisées, c’est-à-dire les barreaux de fer à placer aux fenêtres.

Il y a cependant des exceptions où l’artisan doit s’occuper d’une partie de la fourniture. Dans ce cas, la charge est longuement expliquée dans les textes: le maistre s’occupe de la préparation et du transport des matériaux: ledict Conchastre d’amener ou fere amener au lieu de Morinesez, terroir dudict Lignioz, à ses frays et despens, quatorze traps […], au lieu où ledict ediffice se fera, ensemble tous les bochetz, sollies, boudrons, chevrons, corps, penes, lates[161] que seront requis audict ediffice , mais, dans ce cas, un détail force le sourire: le maître d’ouvrage Chadel doit fournir une partie des lains, soit aix et planchons, déjà sciés, et, par esprit d’économie, il se réserve de ramasser les copeaux, les busallies qui se feront en charpentant ledict boys[162]. Il arrive en outre que le transport des troncs lui-même fasse l’objet d’un contrat à part[163]. En effet c’est pendant l’hiver qu’il faut déplacer les billes de bois en profitant de la neige, ainsi, en janvier 1718, Maistre Joseph de fû Martin Grandblanc […] et Maistre Jaques de fû autre Jaques Billiaz s’engagent vis à vis de Joseph Favre à […] transmarcher[164] ou faire transmarcher et conduire les plantes […] remasées dans deux endroitz, soit montons, au lieu de Cunea et au plan du Boden jusques […] sur le lieu où ledit Favre doit faire sa batisse, soit rascard.

La construction des bâtiments collectifs requiert la participation de toutes les familles de la communauté concernée que ce soit pour prêter main forte aux artisans et ou encore pour la fourniture des matériaux. Ainsi, lors de la réfection de la cure d’Antagnod en 1666[165], les syndics et communiers promettent à Martin Favre de lui fournir demy toise de labies pour chasque foage[166] sur le lieu dudict domicille, rendues belles et recevables et deux aix de bois de brenve[167] neufs pour chasque feu, beaux et cappables.

Les parties en bois requièrent la préparation de matériaux de qualité, aux sections et à la finition bien définie. L’essence de bois mise souvent en évidence par les prix-faits est le mélèze, la brenve, la brengua(z). Pour les canaux d’amenée d’eau à un ru ou pour la paroi d’un moulin, on insiste particulièrement sur sa résistance en spécifiant: une clef de bon bois de brenve[168] ou encore faire une parey de lopes de brengua, de bon rouge[169] sans qu’il y soit de blanc[170], de trois piedz dauteur d’environ seize toizes de long, plus ou moins, à la roza[171] des mollins dudit lieu, dessus le pont, le long du mur de ladicte roza, lesdictes lopes, deux toises de long et bonnes colomnes de rouge de brengua[172].

Remplois - Photo Claudine Remacle
Remplois – Photo Claudine Remacle

Très fréquemment, le propriétaire s’engage à fournir des matériaux de récupération: ledict Viot a promis de donner la despoillie[173] du vieux domicilles audit Favre sauf qu’il sen reserve tout ce qui sera bon pour faire les garniture (sic) dudict domicilles neufz[174].

Le remploi de matériaux provenant d’un vieux raccard impose d’assembler les parties encore bonnes les unes aux autres ainsi, lors de la reconstruction d’un raccard à Champoluc en 1738, maître Jean-Louis Dondeynaz est obligé de finir les pièces qui sont audit vieux raccard […] en les joignant deux en une[175].

A cause des grands problèmes que pose le transport en montagne, dans un cas sur deux environ, les travaux se préparent en réutilisant des matériaux et l’on prévoit la démolition de bâtiments délabrés. En 1614, le charpentier Pierre de Pierre Conchastre dit Sargin a promis et convenu de demoullir, descouvrir et deffaire et desceller le rascard dudict Jean Chadel convenablement, situé au village de Lignioz[176]. En 1620 encore, il a promis de demoullir ung domicille de pierre, situé au village de Lignioz, jouxte les autres domicilles dudict Chadel, appellé les domicilles de pierre du petit Martin Pilloux, et les labies d’icelluy, pierres et boys mettre en lieu et part en murgère[177] en bon et dheu estat.

En général, dès l’indication du site du chantier, on comprend que l’on profite de travaux antérieurs: bastir de neufz audict lieu de Cunea en une place et court située audict lieu de Cunea appellé la place du vieulx chosal de Bach[178]. En 1680, Jean-Jacques Viot construit une maison au lieu de Bernozin, à la place du chosal la ou estoit la fuzine de marechal contre le saix[179].

Couverture de lauzes - Photo Claudine Remacle
Couverture de lauzes, les labies – Photo Claudine Remacle

Dans certains cas, le propriétaire contracte le transport des matériaux avec l’artisan: en 1770[180], Jean-Baptiste Quey a preparé le bois, labies et pierres, pour faire les piliers pour soûtenir un raccard, et, pour ce fait, il a jugé à propos de donner le prix fait, tant pour conduire les plantes, labies et pierres que pour la fasson dudit racard, à discret Jean Joseph à feu Jean Pierre Favre, aussy originaire d’Ayas […]; ledit Jean Joseph Favre s’oblige […] de conduire toutes les plantes[181] que ledit Quey at preparé et emoncellé aux lieu (sic) des Pré dessous les toits, et à l’herbage des Channes, de plus il conduira toutes les labies[182] que ledit Quey a emoncellées[183] au lieu de Sasciel à Ayax ce qu’il a descendu du vieux rascard de Sasciel, plus il conduira toutes les pierres que ledit Quey a mis en moncau au lieu dit Le Piaouel damon, plus il conduira toutes les labies que ledit Quey a fait faire au lieu dit La Barma des vaches tous lesquels mathérieaux, il les conduira sur l’endroit où il doit construire ledit racard.

D’autres textes indiquent la provenance des arbres à couper et donnent force détails, comme par exemple la fourniture des poutres, des planches et des lauzes pour le grand raccard d’Ardisson en 1728[184], terminé en 1730: lesdits frères Obert seront obligés de fournir touttes les pierres et plantes de bois avec les labies tant de ce qui est sur le lieu qu’au cas qu’il en manque d’autres, saufz dix plantes que ledit Favre coupera sur l’herbage du Drosey[185] apartenant auxditz frères Obert pour faire les poutres dudit etable et autres choses necessaires et, au cas qu’il n’en soit ladite quantite sur ledit herbage, il en achètera à taxe d’experts avec d’autres aux depends desdits frères Obert; plus la quantite de six plantes que ledit Favre coupera et conduira sur le lieu que sont sus l’herbage de Buzaille[186] desditz frères Obert, pour faire des aix pour le plancher dudit etable, à condition que pour faire la separation desdits chamberaux et autres appartenances dudit raccard, il mettra des plantes vielles que sont au vieux raccard que ledit Favre demolira; plus fournira ledit Favre les chevrons que sont necessaires pour ledit couvert du raccard avec les lattes, sauf celles qui sont au vieux raccard (et celles qui sont sur le pallier qu’ils ont acquis avec Pierre-Emanuel Chasseur: ajouté) puissent servir et autant qu’il en manquera, il les fournira luy même.

A propos du remploi des matériaux de vieux raccards, encore aujourd’hui, à Ayas, la mémoire collective rappelle à tout moment le déplacement des pièces. Selon les propriétaires actuels, le raccard de La Croix ou d’Ardisson viendrait de Ramére (à l’amont de Périasc). Il est intéressant de noter que la tradition orale donne toujours comme lieux d’origine des bâtiments démontés des sites d’altitude convertis en pâturage.

 7 – Les fouilles et les parois extérieures

Si l’on ne profite pas d’un emplacement occupé auparavant par un bâtiment en ruine, comme le terrain plat est rare, il faut commencer le chantier par de grands travaux de déblais, par les fouilles et, ensuite, monter les murs de fondation. Tout chantier débute, ici comme ailleurs, par les excavations nécessaires pour installer le corps du bâtiment. Les termes employés dans les prix-faits pour nommer cette première phase sont les suivants: faire le chavement[187], concavité des domicilles des Droles, de neufz toises de long et quattre et un quart de large[188]; faire toutte la chave et bien fondée sur le dur[189] (1680), faire les fosses pour jetter les fondements d’une bâtisse[190] ou encore, faire les concavures des murailles[191] (1764).

En 1680, dans le cas de Bernosin[192], où l’on bâtit contre un rocher, l’artisan promet de razer et esgaler le saix avec des mines ou encoigneure et le rendre beau et capable pour servir de mur et l’emboucher à chaux chaudement (?) bien et dheuement et bien fonder le mur sur ledict saix.

La préoccupation de stabiliser les maçonneries est constante, surtout pour les bâtiments proches de l’eau blanche, l’Evançon. A Frachey en 1654[193], après la démolition du vieux moulin, le maistre va creuser jusqu’au rocher: sçavoir le desmollir despuis le toict jusques au fondement et icelluy estant desmolly concavera et faussera jusques à ce qu’il tienne le massif, quoy faict le fondera.

De même, quand il s’agit, en 1737, d’edifier un pont sur l’eau blanche en droiture des molins d’Antagnod, il ne faut pas lésiner sur le travail: d’edifier un pont […] au même endroit où il étoit auparavant […] en faisant des bonnes murailles bien fondées et fortes à chaque côté de ladite eau, avec un pillier en angle environ au milieu de ladite eau, le tout avec de bon mortier et de grosses pierres autant qu’il sera possible; sur lesquelles murailles et pillier, il posera trois poutres de brenva de l’epesseur de six once[194] à la pointe escarrée, en couvrant et accommodant le tout avec des bons aix, soit planchons de brenva bien unis et joints, de l’espesseur d’une once et demy, tous attachés avec des gros cloux, en faisant une haie ou garde à chaque côté dudit pont, avec des étaches[195] et lattes, bien et deuement cloués et accomodés, de largeur de six pieds en sorte qu’on puisse passer et repasser commodément à pied et à cheval et betes chargées; plus qu’il fera une bonne barrière le long du couchant du rial depuis le fondement de la muraille qui soutiendra ledit pont […].

Après les déblais pour atteindre un terrain stable, si possible le rocher, les travaux de maçonnerie commencent. Pour les définir, le notaire décrit la composition du mortier, s’il y en a, mais sans donner les proportions. On se procure la chaux à Saint-Jacques[196] où il existe un gisement de pierres calcaires et, sous le hameau de Rovinal, où il reste les ruines d’un grand four à chaux.

Pour la maison concentrée en pierre construite à Beaubois en 1679, l’artisan maistre Pierre Favre a promis de fornir à ses despens les laix et pierres, ce qui sera de bessoings, et trente sestiers de chaux prenable à Saint-Jaques. Il procède de même en 1680 pour la maison de Bernosin, mais en plus il s’occupe de tirer le sable du torrent en créant à Blanchard un creux de collecte: plus a promis de donner et deslivrer audit Viot au lieu de Saint Jaques trente cinq sestiers de chaux[197]; plus a promis de faire un cernieur et rassembler en un monton[198] l’araine hors de l’eau, belle et bonne, au lieu de Blanchard.

Lors de la fondation de l’école de Champoluc en 1770, les maîtres Jean-Baptiste et Jean-Louis Dondeynaz[199] préparent les matériaux pour les maîtres Jean Antoine et Jean Pierre fils a feu Pierre Vacher de la paroisse de Fontaine More[200]. Les quantités sont calculées avec soin, mises en rapport direct avec les dimensions en plan du bâtiment (6 x 3,5 toises), c’est à dire une estimation de 65 toises carrées[201] de murailles et 36 toises de couverture[202]: lesdits Dondaynaz […] conduiront sur l’endroit […] la quantité de ving deux toises carrées de pierres, septente charges[203] de chaux, six cent charges du sable, neuf toises quarrées des labies, trois grosses poutres pour le toit de la longueur de six toises et trois pieds chacun, trente six chevrons de la longueur de trois toises, neuf douzaines des lattes pour ledit toit, seize poutres pour les plancher (sic) qu’on doit faire, qui sont au nombre de deux, de la longueur chaque poutre de trois toises et un pied; de plus ils fourniront quarantes douxaines d’aix pour les deux planchers, six douzaines d’aix pour faire les ponts et armements[204] des voutes et des fenestres qui doivent être au nombre de huit. Item fairont et fourniront tout le fair qu’il conviendra pour les fenestres, goms des portes et les sarrailes qui seront propres et bones, fairont aux dits domicilles cinq portes doubles et forniront les clous pour cela […].

 

Généralement, le notaire précise l’épaisseur des parois extérieures. On prévoit par exemple de monter les murallies à chaux et araine de trois pieds despesseur au fonds et, au sonjon, deux pieds[205] ou encore par le fond de l’espesseur de trois pieds et au sommet de deux pied (1674)[206], c’est-à-dire de 94 centimètres environ au premier niveau et 62 au dernier. Ces mesures non décimales se retrouvent fréquemment sur le bâti conservé dans l’ensemble de la Vallée d’Aoste.

Un siècle plus tard, à Pilaz en 1764, le maître-maçon Vacher de Fontainemore prévoit des épaisseurs un peu plus faibles pour le soubassement d’un raccard: touttes les murailles de l’espesseur, le fondement jusqu’au plan terre, de deux pied et demi soit jusqu’au premier plan, et, du depuis, de deux pied; de la hauteur lesdittes murailles de quinze pied, soit les cantonnées[207]. La hauteur des murs à monter, ici 4,70 m environ, se réfère souvent à la chaîne d’angle. La mesure est prise du fond au pied du raccard, ou à la rive du toit lorsque le bâtiment est tout en pierre.

Pour les raccards, la hauteur est plutôt approximative, vu la technique de construction employée: des fustes, des troncs, équarris ou non, posés, dans un sens puis dans l’autre pièce sur pièce, tête sur pied, en les encastrant aux angles à mi-bois. La hauteur est alors définie par le nombre de tours. De quoi s’agit-il ? Pour les raccards conservés, il apparaît que le nombre de tours correspond au nombre de pièces empilées, par conséquent, au nombre de fois que l’on a posé quatre pièces horizontales pour faire le carré du bâtiment (1770)[208]. D’après les recherches d’O. Zanolli[209], le tour est une unité de mesure qui correspondrait, en 1498, dans la Basse Vallée à la longueur d’un poing fermé, soit 25 cm. Les raccards communs comptent de 16 à 19 tours de haut, donc de 4 à 4,75 m de haut. Parmi les prix-faits du corpus, l’un des plus grands est le raccard conservé de La Croix ou d’Ardisson[210] construit pour les frères Obert en 1728:

Raccard d'Ardisson, Ayas - Photo Claudine Remacle
Raccard d’Ardisson à 20 tours de plantes longues , Ayas – Photo Claudine Remacle

un raccard sur jambes dessus ledit fondement […] à quattre chamberaux et l’ayre au millieu d’hauteur de vingt tours de plantes longues (touttes écarrées: ajouté). L’interprétation du mot tour comme unité de mesure correspondrait davantage à la réalité proposée par les textes, malgré les coïncidences rencontrées sur les raccards eux-mêmes lors du recensement[211]: nombre de tours = nombre de poutres empillées; en effet, à une autre occasion, le mot est de nouveau apparu. Il est question du tour comme unité de mesure dans le cas de la préparation d’une meule de rechange pour l’un des moulins de Champoluc en 1673[212]: plus faire planter la moulle neufve qu’est devant le mollin, y joindre les deux lunes qui y manqueront et encour faire venir une aultre moulle neufve d’un tour d’espesseur conforme aux eschandillions.

 

 

Référence

 

Année

 

Lieu

 

Nombre de « tours »

Vol. 472 1664 Quartier, à l’amont de Champoluc 22
Vol. 472 1664 Les Droles 16
Vol. 488 1674 Antagnod 19
Vol. 442 1718 Cunéaz 17
Vol. 1015 1728 Ardisson (La Croix) 20
Vol. 1015 1732 Pillaz 12
Vol. 1017 1738 Champoluc 16
Vol. 985 1770 Pilaz 16

 

Le beau raccard de Frantse comporte 19 tours, si l’on considère le tour comme la hauteur d’une pièce horizontale, d’un tronc équarri. En fait, il mesure, au-dessus des jambes, 4,75 mètres, soit justement 19 tours de 25 cm. Le grand raccard à vingt jambes des Droles était de l’hauteur de seize tours seulement, sans comprendre l’oullia soit pointe[213]. Le tympan du pignon des bâtiments est presque toujours signalé dans l’acte au moment où l’on décide de la hauteur des parois et dans les mêmes conditions (1664, 1680) que ce soit pour les constructions en pierre ou pour celles en bois. La hauteur du tympan du pignon n’est jamais donnée avec précision, elle doit être bien proportionnée. Les notaires appellent cette partie de la façade-pignon: l’ouille (1679), lo euille (1680); plus tard, en français, l’aiguille (1738, 1770), justement pour l’endroit où, au XVe siècle, on enfilait l’aiguille de bois afin de raidir le tympan des raccards.

8 – Les portes et les fenêtres

Les ouvertures sont des éléments essentiels dans les contrats. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’ouvrages délicats qui interrompent le tissu maçonné et qui compromettent parfois la stabilité de l’ensemble. D’autre part, les portes sont indispensables au bon fonctionnement de la maison, puisque les modèles en usage à Ayas comprennent rarement un escalier intérieur. En outre, il n’y a jamais de communication entre le soubassement en pierre et le raccard. Dans les actes, il est donc important de signaler le nombre et le type de portes destinées à chaque espace. L’orientation des fenêtres n’est jamais indiquée. La position exacte des fenêtres dans les murs est en général décidée par le maître de l’ouvrage qui connaît la bonne exposition[214], cependant certains textes précisent leur emplacement et leur rôle: une autre fenestre à l’endroit où ilz feront feu[215].

Comme dans le reste du Duché d’Aoste, les fenêtres sont soumises aux règles de bon voisinage et, pour bénéficier du droit de vue et de lumière sur l’ouverture qu’il désire créer, le fondateur d’une maison doit obligatoirement respecter le Coutumier, publié à Chambéry en 1588 et en vigueur jusqu’en 1773. Celui-ci veut que les baies soient munies de barres en fer forgé, c’est-à-dire croisées et ferrées[216]. Certes, c’est un moyen de protéger l’intérieur contre les voleurs ou les animaux, mais le fer est très coûteux[217]. Les textes précisent donc que les fenêtres seront munies de leurs croisées à fer, scavoir les trois fenestres au fondement à deux bastons croisés et celles desdictz poiellie et maison à quattre bastons pour chascune, beaux et convenables[218].

Les barres en fer sont encastrées dans les murs pendant la construction. Pour cette raison, le maître d’ouvrage est obligé de fournir, en temps voulu, les croisées et les ferrages, mais aussi les sarrallies, gons et lames des pourtes[219], car, s’il ne livre pas le matériel à temps, il retardera le déroulement du chantier.

Pour la période prise en considération, les vitres n’interviennent que dans un seul prix-fait, en 1745[220]. Le verre est encore un matériau très rare. Pourtant, nous savons par un inventaire après décès, datant de 1699[221], qu’il y a parfois une précieuse verrière à la fenestre de l’estable des maisons, à neufz carrous, valant 4 écus[222], c’est-à-dire le prix d’une belle brebis.

Au Val d’Aoste, dès la fin du XVIIe siècle, le verre apparaît timidement dans les documents concernant les maisons. Les vitriers sont en revanche encore plus rares[223], mais Ayas peut s’enorgueillir d’avoir sur place un maître-vitrier dès 1729-1730, Jean-Joseph Obert feu Simon[224].

En ce qui concerne les fenêtres, le poids du modèle architectural sur la position des baies apparaît dès la première lecture du corpus: faire audict estable deux fenestres et au cellier une aultre fenestre et audict poielle deux aultres fenestres et à la maison focaire une aultre fenestre[225]; au grand raccard des Droles, en 1664, l’habitation est prévue pour deux familles comme cela est souvent le cas dans les Alpes:  lesdict estable à trois fenestres à pierre douce blanche travaillée et deux portes, et les crottes à chacune une fenestre de semblable pierre et une porte pour chacune, […] fera […] deux pettitz poille […] avec deux fenestres et une porte pour chaque poille, plus fera deux maisons sur chacune crotte, la sienne, à une fenestre et une porte l’une.

La maison à fonction concentrée de Beaubois (1679) respecte exactement la même répartition des ouvertures : […] deux fenestres en l’estable et une porte et, au poille, deux fenestres et une porte, en maison, une porte et une fenestre et la garde robe aussy une porte une fenestre au choix dudict Pession[226]. Si on fait le compte pour le modèle de maison unifamiliale, on obtient, pour les deux étages inférieurs, six fenêtres et quatre portes, une au moins par pièce. Dans le cas de la petite maison-tour à trois étages des Allemands (1674), composée de trois espaces superposés entre murs portants, le contrat prévoit aussi de faire six fenestres et quattres portes[227]. Aux domicilles de Bernosin, construits pour Jean-Jacques Viot en 1680, le plan comprend un veret, soit escallier devant ladicte crotte en cellier jusques au couvert[228]. C’est une exception. Au viret (escalier en colimaçon), on prévoit trois portes et trois fenêtres, par conséquent le domicile comprend en tout dix portes et douze fenêtres. L’estimation totale des portes prend en compte les portes vers l’extérieur comme celles de l’intérieur.

Les prix-faits, comme les inventaires sur terrain, montrent qu’au départ, il y a toujours deux fenêtres au moins à l’étable ou au poêle, tandis que la cave et la majón n’ont traditionnellement qu’une fenêtre, sauf dans le cas des édifices de très vastes dimensions. Pour les constructions en pierre, les prix-faits ne donnent jamais la largeur et la hauteur des ouvertures. Les fenêtres comme les portes doivent être de hauteur et largeur convenable; en fait, les dimensions sont quasi standardisées, adaptées à l’activité humaine, comme le montre cet exemple: faire une porte capable à recevoir une monture chargée à vin[229], c’est-à-dire suffisamment large pour le passage d’une mule ou d’un cheval chargé de deux outres remplies de vin.

Les contrats signalent, en revanche, avec précision la technique à employer pour réaliser les ouvertures: les châssis dormants en bois des portes et les fenêtres sont appelées des armements[230]. Ils sont murés à la muraille (1674) ou plantés au milieu des murailles (1680); en effet, ces cadres de bois sont directement posés dans le mur lors de l’appareillage des piédroits et du linteau et l’on signale qu’ils devront être placés dans l’axe des voûtes: […] ledict Favre doit faire les armments (sic) des portes et fenestres, et les planter au milieu des murailles[231].

Lorsque les encadrements des portes et des fenêtres sont en pierres taillées, les textes soulignent qu’ils sont à battants de pierre[232] : faire les battants des portes touttes à pierre et mortier sans y mettre de bois, planter les gombs[…], armer les vouttes ou encore des fenestres de pierre douce blanche travaillée (1664).

Si l’ouverture est couronnée d’un arc, on spécifie que les deux portes seront garnies à chaux et araine et non à bois, […] et que les fenestres seront vottées tant dedans que dehors, […] comme les portes, sinon[233] les deux portes des poilles qui seront faictes à garniture de bois avec les palanches coursières au dedans des murailles[234]. En effet, comme pour les châssis de fenêtres ou de portes, pris traditionnellement dans la maçonnerie, d’autres détails techniques suscitent l’attention des contractants: lesquelles portes se debvront fere touttes doubles avec les palanches courières et garnières(?) appartenant, touttes prestes à poinct de mettre dans le mur. Portes doubles signifie : construites avec deux épaisseurs de planches clouées, l’une verticale à l’extérieur, l’autre horizontale à l’intérieur. Une autre solution technique apparaît dans les documents: la porte à quadrature qui exige des travaux de menuiserie beaucoup plus raffinés. C’est une porte à panneaux, généralement placée à l’entrée de la maison. Quant aux palanches qui, littéralement, courent dans les murs, on les retrouve aussi dans plusieurs prix-faits. Il s’agit de barres qui coulissent dans des gaines en bois, posées dans les murs lors de leur appareillage. On les plaçait derrière les portes pour se barricader à l’intérieur. Cette façon de faire, qui rappelle des pratiques médiévales, était courante en Vallée d’Aoste jusqu’au XIXe siècle.

Parmi les caractéristiques des ouvertures, en 1620[235], le notaire Visendaz souligne que l’artisan Pierre Conchastre devra prendre maistres massons suffisants et cappables comme convient et de fere les portes et fenestres à avelz (?) crottés. Il s’agit peut-être de portes et de fenêtres avec arc surbaissé en maçonnerie, mais je n’ai pas jusqu’à présent réussi à interpréter ce mot avec certitude. Il est oublié dans le parler d’Ayas actuel.

En outre, parmi les caractéristiques décoratives des ouvertures datant des XVIIe et XVIIIe siècles, les encadrements en enduit blanc, imitant parfois des moulures renaissance, sont très fréquents. On en rencontre encore dans de nombreux villages.

Muraillies avec rusque à l'intérieur - Lignod, Ayas - Photo Claudine Remacle
Murallies avec rusque à l’intérieur – Lignod, Ayas – Photo Claudine Remacle

Il en est question, en 1674, au moment des finitions des maçonneries de la maison du notaire Claude Duc[236]: le cabinet et poille blanchis, le reste des murallies rusquez avec les moustres[237] des fenestres et portes. Le terme moustre lui aussi ne semble plus connu dans le parler d’Ayas. Ce mot n’est pas, à première vue, d’interprétation facile; égrège Claude Duc l’emploie régulièrement, si bien que le sens semble éclairci par ses propres textes, comme par exemple: plus la rusque[238] belle de trois costez de tout ledit domicille avec la moustre des fenestres au dehors.

Les portes des raccards, par contre, ne sont pas souvent décrites, probablement parce que leurs dimensions et leurs positions sont dictées par le plan: aire et airette centrales, nombre de chamberaux et de greniers.

 

9 – Détails techniques et commodités

Pour les constructions en bois, seuls quelques détails techniques semblent mériter l’attention des contractants. L’un des plus importants est le nombre de jambes. Il est indispensable de protéger le grain de l’assaut des rongeurs!

On trouve des prix-faits de raccards sans jambes (1609, 1682, 1704) et de raccards avec jambes et à jambes et à paletz (1614, 1664, 1674, 1675, 1682, 1695, 1706, 1728, 1770).

Jambes stabilisées sur des croisées en bois, les crogères - Photo Claudine Remacle
Jambes stabilisées sur des croisées en bois, les crogères – Photo Claudine Remacle

Les paletz sont les disques en pierre taillée, posés sur les pieds en bois pour empêcher, grâce au surplomb créé, la montée des souris dans les réserves. Il n’y a pas de doute à avoir à ce sujet, car dans les accords entre voisins lors de la construction d’annexes contre les raccards, il est toujours spécifié qu’il ne faut pas incommoder le rascard ni pour les souris, ni autrement, qu’il faut éviter de créer une communication entre sol et réserves[239]. Lorsque le raccard est construit sans jambes, on précise qu’il faut faire le fondement et les murailles hautes que les ratz ne puissent pas aller audict rascard[240].

Plusieurs prix-faits montrent que l’on transforme les jambes des vieux raccards au XVIIe siècle : en 1667, ledict rasquard le laisser tel qu’il est maintenant, saufz de faire ses jambes à pallets de pierre[241]. Ce texte est explicite, les jambes existent déjà et elles sont probablement tout en bois comme dans les cas des raccards du XVe siècle mis en évidence par les sondages dendrochronologiques[242]. Dans un autre cas, en 1695, on prévoit de ausser un peu un raccard, où il faut mettre les chambes[243].

Avant de monter les jambes, on pose sur le soubassement maçonné un rang de troncs équarris assemblés aux angles à mi-bois, qui répartissent sur les murs en pierre les charges du raccard en bois; on stipule donc qu’on faira le plantemant dudit racard sur jambes en y mettantz des pierres rondes sur les dites jambes et les jambes seront plantées sur des poutres vulgairrement appelées crogère (1770[244]), c’est-à-dire les croisées nécessaires au dessous des jambes du raccard (1728[245]). Le contrat de construction du raccard des Droles en 1664 présente ces poutres sans les nommer: sur les planchers des poilles et maisons seront posez quattre trabs[246] reposants sur les murailles et pilliers avec un autre trab au milieu pour asseoir au dessus les jambes du rascard. Ces pièces croisées sont essentielles non seulement pour la stabilité de la structure en bois, mais aussi pour le soubassement. Grâce aux pièces croisées, les maçonneries ne sont pas soumises à des surcharges ponctuelles, responsables en général des fissures.

Les planchers eux aussi retiennent l’attention du maître de l’ouvrage. Ils sont particulièrement bien décrits aux Droles (1664): un rascard à vingt jambes […] de l’hauteur de seize tours, […] avec deux chamberaux et quattres greniers, deux du couchant et deux du levant, et réduict sur lesdictz greniers, a fustes[247] saufz les sollivan[248] dessus et dessoubz qui seront faictz à aix[249], et les fondz des chamberaux seront faitz à aix joinctz et non cousuz, et deux aires audit rascard l’une sur l’autre à aix cousuz[250], et une loge de neufz toises de long, et une de largeur sans boudron[251] audevant dudit rascard. Les planchers et plafonds sont donc en planches, simplement jointives posées au fond des chamberaux, mais ils sont dits à aix cousuz (en planches cousues) pour les aires de battage superposées qui doivent être particulièrement résistantes et hermétiques pour que les grains ne s’échappent pas: et sera faict […] avec une suffizante here pour battre blé et aultre granailles[252]. Les aix cousuz sont des planches embrevées sur toute leur longueur, encastrées dans des poutres en bois profilée en « I ». Au raccard de La Croix, dit d’Ardisson (1728), le travail est moins méticuleux: pour faire les planchers des ditz chanberaux, on prévoit des aix vieux de récupération pris à un ancien raccard acheté à l’occasion du chantier.

Comme dans de nombreuses régions alpines, le plafond de la pièce traditionnelle de séjour est soutenu par un sommier, une grosse poutre chargée de symbolisme. A Évolène par exemple, au poêle, ce sommier mouluré porte le nom de planeta[253] et l’on y incisait des signes de protection et les noms du couple fondateur de la maison. La même coutume se retrouve à Saint-Rhémy-en-Bosses en Vallée d’Aoste. De même, à Cogne, où l’on habitait toute l’année au bon beu, le plafond était soutenu par un sommier non décoré qui traversait de part en part l’étable habitée et qui porte le nom de traversier dans les archives, traversèn en patois. A Ayas, cette poutre est appelée le tra bordonal[254]: plus ledit Quey faire faire le plancher dessus ledit étable avec des bons aix de brenva de l’epesseur d’un once et de un quart[255] avec des bons poutres de mesme bois de l’epesseur de ceux qui y sont présentements et un autre poutre à travers vulgairement dit bordonnal. Le plafond des étables où l’on vivait en hiver était partagé par cette pièce horizontale, soutenue parfois au milieu par un poteau en bois, une collonne[256]. Lors de la description des plafonds du raccard des Droles, le texte stipule que celui de l’étable sera double: plus fera deux sollivanz audit estable l’un proche de l’autre, le dessoubz à soullie et l’autre à ongle[257] à mesme trabz avec le trab bordonal dessoubz ledit plancher et sa collonne au millieu. Plus fera le sollivan, soit plancher, de deux poilles à la francoise[258],

Plafond à la demi-française - Photo Claudine Remacle
Plafond à la demi-française – Photo Claudine Remacle

soit à boudron[259], et les deux planchers des deux maisons à la mode accoustumées. Le plancher à la française est un plancher à caissons, constitué de quelques grosses poutres[260] (trabs, traibs), de solives transversales (travets), et de planches.

En 1683, Mestres Pierre d’autre Pierre Favre et Pierre Illegittime Dondeyna transforment un plancher de quatorze toises à Magnéaz en le soulevant d’une demy aulne: la tirée[261] de sollanc est rehaussée pour mettre cheques cours un renfor soit boudron par le mellieur, le tout à la moderne, c’est à dire moyenne mode carré beau[262]. Le maître d’ouvrage Jean-Marc Viot fait donc interposer un madrier au milieu des travées sous les planches pour renforcer l’ouvrage et empêcher qu’il ne fléchisse. Cette façon de faire, qualifiée de moderne dans l’acte, se rencontre plus tard dans toute la Vallée d’Aoste.

En fait, le souci constant de faire du « beau » et du « solide » qui durera dans le temps (et ils y sont arrivés !) préoccupe réellement les contractants. A tout moment, des adjectifs tels que convenable, capable, beau, moderne, fait et parfait soulignent les descriptions: faire ausdictes fenestres une belle ouvertures convenable et d’autheur ledict domicilles de quattre toises sans comprendre lo euille du couvert, laquelle il doit faire belle[263], ung beau paillier d’une toyse et dymye d’auteur de chascune carre, faire deux belles chambres, soyt greniers[264]. Souvent, il apparaît au surplus qu’il faut construire comme convient, comme le veut l’usage d’Ayas.

Lorsqu’il s’agit de construire les voûtes d’une cave, il arrive même que l’on évoque l’architecture: faira la concavité desdictes crottes le tout en belle façon et bonne architecture suivant la mode audict lieu[265]. Les crottes méritent souvent des compléments d’information: elles sont à conque[266], c’est-à-dire en berceau, ou encore à lunettes dans la boutique du sire Favre[267].

L’équipement des espaces de vie est lui aussi décrit avec précision. On s’attarde sur les espaces où l’on séjourne et où l’on cuisine: l’étable, le poêle et la maison focale.

La cheminée et son feu ouvert caractérise la majón, la maison focalle ou maison focaire des actes notariés. Le contrat de la maison-tour à trois étages construite aux Allemands en 1674 prévoit de lever une cheminée, soict charfieur, dès la maison jusqu’au sommet, et la teste d’icelluy passant le couvert alord à un beau desseing nouveau. De toute évidence, la cheminée est bâtie suivant la mode et même celle du dernier cri[268]. Elle coûte à elle seule une pistolle, moitié d’Espagne, moitié d’Italie.

La volonté de construire une belle et bonne cheminée, qui tire bien, apparaît aussi dans les travaux assignés à Discret Jean-Dominique Vescoz[269] au XVIIIe siècle. Il en construit une selon le dessein que sera prescrit et il est prévu qu’il devra la faire construire à la bonne lune[270].

Sous les raccards, le problème de sécurité, lié à la présence de la cheminée des maisons focales, est évident. La peur de l’incendie n’est pas explicite, mais, en 1664, le texte précise qu’il faut faire à chasque maison sa cheminée, soit charfieur, le long de la muraille hors du rascard[271] ou bien, cent ans plus tard, une cheminée sortant du rascard[272].

A Bernosin, en 1680, dans la majón, maître Pierre Favre doit faire un vuidiou de l’eau[273], c’est-à-dire un évier taillé dans la pierre posé en œuvre dans le mur, et la cheminée belle et convenable contre le poille et une belle bonne placqua pour eschauffer ledict poille. au fond de l’âtre. Il s’agit d’une dalle de pierre verticale, parfois gravée aux initiales du maître d’ouvrage, qui sert de contrecœur et chauffe en plus le poêle voisin. A cette époque, à Ayas, les fourneaux sont probablement très rares: il n’en est question qu’une fois en 1609, à Cunéaz, dans la maison construite pour Jacques de Jacques Dondeynaz, émigré à Strasbourg: ung beau fornet de pierre doucze[274] posé et planté audict poille. Dans cette maison, la paroi qui sépare la majón du poille est en bois et les autres murs sont forrez […] à lans et hes, autrement dit fourrés avec des planches, lambrissés.

La restauration d’un tenement de domicilles[275] à Champoluc en 1675 propose une situation particulière. La majón est contiguë à l’étable. On y construit ainsi, entre la maison et estable, une cheminee à ladicte maison avec sa teste sur le toit proportionnee, une plaque soit choudane entre la maison et estable, le sollan entout ledict fondement, faire deux fenestres à l’estable et les florer de bois, l’alloir par le millieu du domicille, les portes qu’il y sera besoin, reches[276] des beste.

L’équipement de l’étable habitée en hiver est ainsi complet puisqu’on y a pensé au confort des gens comme à celui des bêtes. On a recouvert les murs de planches et prévu un moyen de chauffage.

Le revêtement des murs avec un enduit à la chaux est lui aussi une source de confort. En effet, comme je l’ai déjà signalé, Ayas est une commune où se trouve un gisement de pierre à chaux aux environs de Saint-Jacques[277]. L’étage de l’habitation sous le raccard des Droles est particulièrement soigné (1664): lesquelles muraillies dudit domicille seront despesseur de deux pied et demy, le tout à chaux et à araine avec toutes les murailles embochées[278] à la première main, soit rusque, et les poilles blanc au dedant, les fenestres aussy blanchies au dehors. Le logis construit pour le notaire Claude Duc à Antagnod est en partie voûté (1674): lesdites maison et cabinet voutez, le cabinet et poille blanchis, le reste des murailles rusquez, c’est-à-dire enduites.

De même, en 1680, il est prévu d’enduire en partie le domicile de Bernosin: de donner une main à la rustique auxdicts murs dedans et dehors, saufz au paillier.

Les revêtements de sol, différents du bois, ne sont jamais décrits excepté lors de la restauration de la chapelle de Champoluc en 1658: la glacée par le fondz avec des pierres sans chaux, ou une bonne glacée de pierre bien serée, c’est-à-dire des pierres posées comme des pavés, sur chant, très proches les unes des autres. Il est probable que la terre battue couvrait la majorité des caves voûtées.

 

10 – Le toit, la charpente et les «loges»

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, presque tous les toits neufs sont à Ayas couverts de lauzes, de labies. Il existe à l’amont de Champoluc, à la Crétaz, une grande carrière de pierre légèrement vertes qui se délite facilement. Ce gisement a certainement été exploité pendant plusieurs siècles vu la quantité des déblais que l’on peut observer sur place. Cependant, deux prix-faits, l’un de 1658 et l’autre de 1752, pour des raisons probablement bien différentes, indiquent que l’on couvre un toit en bois: lorsque maistre Jaques feu Jaques Dondeyna dit Ginnoz restaure la chapelle de Champoluc[279], il est chargé de couvrir l’avant-toit posé sur deux piliers carrés devant la porte d’entrée, le porche de mariage probablement, avec des eschandolles bien planez, des bardeaux.

En 1752, le terme réapparaît dans une tout autre circonstance: un raccard a été incendié au Frachey et le fils du notaire Vescoz, Dominique, est chargé de refaire rapidement pour son cousin le couvert à bois, planches ou échandolles[280].

La forme des toits est, comme le veut le Coutumier, liée à la position de l’égoût, à l’écoulement de l’eau de pluie du toit sur la propriété du maître d’ouvrage. Par conséquent, il est parfois question de la forme des pans, des plovens. Ceux-ci ne peuvent goutter n’importe où: fera les distilloirs de tous lesdicts domicilles du couchant et du levant auxquelz apposera des canaux pour les recevoir convenablement[281]; ou encore […] que le couvert distille de deux côté à la forme acoûtumée, qu’est la moitié vers le levant et l’autre vers le couchant[282]. Parfois, le texte précise que lorsque la charpente sera terminée et les lauzes posées, il faudra placer des crochets pour supporter la gronde, la gouttière en bois à la base d’égoût: […] ledict ediffice entrallé […], enchevronné et enlatté comme convient à poinct, de mettre les labies à couvrir; ensemble le labourage des croches et gronde dudict ediffice[283].

Une convention qui traite de la préparation de toutes les pièces de bois de la maison de Martin Finaz à Champoluc[284] est particulièrement intéressante, parce qu’elle reprend, à elle seule, tout le vocabulaire spécifique du charpentier. Les frères Duc préparent les matériaux et les déposent proche le pont de pierre de Champolluc: le corp et deux costeres[285] de brengaz, […] plus la quantité de trente chevrons de brenga et d’une grosseur ordinaire […], plus la quantité de dix douzaines de lanc de deux tiers d’onces[286] d’espesseur, cinq, six, sept onces de largeur et de longeur suffisante pour quelles soient d’une piece de costé qui sort le corp et touttes lesgalles; plus la quantité de douze douzaines de lattes de peca[287] au couvert de la longeur de huit pié de la largeur, de deux onces[288] et deux et demie comme ce rencontrera le bois […], plus et finalement la quantité de six douzaines de cotiguettes[289] de brenguaz de la largeur des planches du couvert […].

Au domicile de Bernosin, en 1680, maître Pierre Favre[290] promet de faire toute la charpente, primaire et secondaire, mettre le corp[291], planter les chevrons et lattes et faire une couverture bonne et cappable, touttes les murailles assestées tout autour, saufz devant, qui doit estre une toise de couvert hors de la muraille et le corp au milieu de la couverture, autrement dit, dans l’ordre de pose, Pierre Favre doit placer la panne faîtière au milieu du bâtiment, puis les chevrons dessus et ensuite les lattes, de façon à ce que les murs soient couverts et que le toit déborde d’une toise, de 1,87 mètre au devant. En plus, il doit planter des bouchets pour faire deux loges, une devant le poille et maison et l’autre devant le pailler et garde-robe.

En général, les toits débordent du côté où sont construites les loges, les balcons, et même à l’aplomb: plus fera la couverture du rascard affranchie à plombin apportion des loges[292].

Ces balcons sont toujours situés devant la maison focalle et le poille et aussi à l’étage supérieur. Comme pour les petites chambres à bois, on insère dans la façade en pierre des consoles en bois, les bouchetz ou bochets des loges qu’on plante dans la muraille.

 

11 – Les temps du contrat, les temps du chantier

Grâce au corpus établi, très relativement étoffé (il s’agit de toute façon de petits nombres), on peut dire que l’on passe des contrats de construction pendant toute l’année; cependant, il y a un creux évident au mois de novembre. Les parties signent plutôt un prix-fait avant la bonne saison, à la fin de l’été (août, septembre) et au plus fort de l’hiver (décembre, janvier).

La durée du chantier est liée aux dimensions de l’ouvrage à construire. Pour les petits bâtiments, le délai est court: une bonne saison suffit et la consigne de l’ouvrage se fait en automne. La maison en pierre de Beaubois doit être terminée de St Michel proche en un an advenir qu’est l’an 1681[293]. Certaines bâtisses de grandes dimensions demandent des temps beaucoup plus longs qu’une ou deux années. Maître Pierre Favre promet de bâtir et terminer la maison en pierre à Bernosin prochenement en trois ans[294].

Pour les raccards, les délais ne sont pas plus courts que pour les maisons en pierre: il faut parachever l’ouvrage du jourd’huy en deux ans[295] et, dans le cas du grand raccard à vingt jambes des Droles, les parties sont encore plus prévoyantes puisqu’elles envisagent aussi bien une disette qu’une grande épidémie de peste: on terminera le travail d’aujourd’huy en trois ans proches, saufz que dans lesdictz trois ans arrivast une charté notable ou contagion pestiphère, auquel cas fournira ledit travail dans quattre ans[296].

La plupart des contrats stipulent simplement la date de clôture du chantier en notant le saint à l’honneur au calendrier: le fin du travail qu’est saint Maurice prochaine venant dans trois ans[297] . L’analyse plus fine de la répartition des délais de fin de chantier montre que, dans les 35 contrats avec prévision de la clôture du chantier, des dates se répètent, principalement la saint Bernard et la saint Michel.

La petite annexe de Blanchard sera terminée dès la St Michel proche[298] ou encore lequel rascard se fera dicy à la feste de saint Bernard proche et les greniers d’ici aux festes de Noel aussi proches venantes[299].

 

Fin de chantier prévue   %
Mai (fin ou début) 5 14,3
St. Bernard (15 juin) 8 22,9
St. Jean (24 juin) 1 2,8
St. Jacques (24 juillet) 3 8,7
Notre-Dame d’août (15 août) 2 5,7
Fin août 1 2,8
St Grat (7 septembre) 1 2,8
St. Maurice (22 septembre) 1 2,8
St. Michel (30 septembre) 9 25,7
Toussaint (1 novembre) 3 8,7
Noël (25 décembre) 1 2,8
Total 35 100

 

En effet, la saint Michel revient avec une régularité évidente tout comme la saint Bernard. Il s’agit de deux moments cruciaux dans la vie paysanne: la montée et la descente des alpages. C’est alors que les bâtiments avec étable doivent être prêts pour accueillir les bêtes à leur montée ou à leur retour de la montagne. En plus, les éleveurs ont à ce moment une bonne disponibilité d’argent pour payer l’ouvrage accompli, car il s’agit d’une période de foire[300]. Dans le cas de certains raccards, on prévoit la fin des travaux pour le temps de la moisson. Il arrive qu’on donne deux ou trois dates différentes suivant les parties du bâtiment: plus a promis faire et accomoder ledict rasquard […] pour y reposer necessairement la prise (c’est-à-dire la récolte) d’icy aux festes de saint Jaques, et ledict estable et muraillie d’icy à saint Michel et rendre ledict travail faict et parfaict dès saint Bernard prochain en ung an[301].

Le paiement fait lui aussi l’objet de la tractation. D’une part, l’artisan désire être assuré que son client est solvable; d’autre part, le maître de l’ouvrage veut être sûr que le travail sera bien terminé. Par conséquent, les échéances des paiements sont rythmées par l’avancement des travaux, en deux ou trois rates. Lors de la dernière «rate», il faut que le travail soit accompli parfaitement et, plus d’une fois, le bâtiment est consigné clef sur porte, mais l’expression employée par les documents est légèrement différente de celle que l’on emploie aujourd’hui. Le bâtiment debvra estre parachevé jusque à mettre les clefz[302], ou que l’artisan rendra le tout couvert et comply jusques à mettre les clefs en mains[303].

 

12 – Le prix des constructions

Comme les travaux sont rémunérés en argent et en nature, il est très difficile de donner une idée précise du coût de la construction au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les prix unitaires sont très rares, surtout pour les grands travaux ; par contre pour les petits chantiers, quelques cas fournissent des données de référence intéressantes: à cause de l’humidité, les planchers et plafonds, qu’on appelle sollan(c), sollivan, solluanc, sont souvent refaits dans les étables: en 1620, une toise carrée[304] de sollan coûte 18 gros[305]; en 1683, 6 florins par toise du lieu[306]. La préparation des matériaux, fourniture, équarrissage des poutres et solives, sciage des planches et pose, revient en 1745 à scavoir la somme pour les ais (les planches) deux livres la douzaine (il est prévu vingt douzenaimes d’ais capables de cinq onses à sept chaque ais) et pour les traibs quattre livres[307] et demy l’un.

En 1674, la construction d’une toise de muraillie coûte de sept et demi à dix florins la toise, par exemple, pour la maison d’égrège Claude Duc en 1674[308]: pour chaque toise de murallies et crotte à la forme usitée et cheminée dix florins la toise, pour les sollans six florins la toise et les portes six florins l’une, et pour la grande porte à quadrature ne prendra que de mesme, tandis que les maistres Antoine et Jean-Pierre Vacher[309] construisent en 1770 l’école de Champoluc en soutraitance au prix très bas de deux livres pour chaque toise de muraille et pour chaque toise de toit. Lors que le prix-fait prévoit un prix unitaire, il souligne aussi que l’ouvrage sera évalué par des experts à la fin du chantier à partir du tarif en faisant le « toisé » du bâtiment, à moins que la surface ne soit déjà définie : un sollivan d’un estable siz au Frache qu’est environ dix huict toises pour le prix de dix florins la toyse (1675[310]).

Dans les prix-faits, la somme totale à payer est, il n’y a aucun doute, proportionnelle à la grandeur de l’édifice à construire. Quant aux denrées alimentaires, elles sont en fait fournies pendant le chantier pour permettre aux ouvriers et aux manœuvres de se nourrir et de boire à volonté et probablement, dans certains cas, pour garantir de plus importantes réserves à l’artisan.

Il s’agit en général de céréales variées six quartaines de grain comble, mesure d’Ayax, deux de bled, deux d’orge et deux de pesetz[311] (petits pois), de pain, de produits laitiers : fromage et beurre. Le vin est presque toujours qualifié de bon et très fréquemment estimé en « sestier » mesure de Cly, car il ne faut pas oublier que les Ayassins se déplaçaient jusqu’à Chambave pour cultiver leurs vignes. Ce vin permettra aux artisans d’être forts pour arriver à consigner l’ouvrage dans les délais fixés: scavoir ledict rascard pour la somme de vingt sept escuz à cinq florins, monnoye d’Aouste, deux sestiers de blé, beau et recepvable, mesure d’Ayas, trois sestiers de bon vin rouge, mesure de Cly et un chapeau suffisant pour ledict Conchastre, payables ledict blé et vin en construisant ledict rascard et lesdicts vingt sept escuz et chapeau incontinent parachevée ladicte heuvre[312].

 

Dans le cas des ouvrages collectifs, chaque famille participe à la fourniture des matériaux, mais aussi au payement, ainsi dans le cas de la reconstruction du petit moulin du Frachey en 1654: sçavoir en premier lieu la somme de vingt trois escus petitz, monnoye d’Aouste, plus deux pains de seigle raisonnable pour chesques maisons revenant à douze pains en tout, plus le soupper soict pottage durant le temps qu’il demeure à faire ledict travail[313].

 

En 1664, le prix-fait du raccard à vingt jambes des Droles fournit une correspondance de prix fort intéressante, curieuse, mais très objective à titre de comparaison. Parmi les denrées à fournir en nature, il y a six moutons de la valleur de trois escuz et demy l’un. On sait ainsi que ce grand raccard, payé 760 écus et 6 moutons, avait donc la valeur d’un troupeau de 223 moutons, sans compter les denrées alimentaires livrées au cours du chantier ou à la fin des travaux (ici pas de blé, ni de vin): vingt rup[314] de bon fromage recepvable , quattre rup de beurre, […] un rup de chanvre, sept livres de cordes et deux chemises.

En continuant sur la même ligne, on en déduit facilement que les deux maisons à fonctions concentrées en pierre construites en 1679 et 1680 à Bernosin et à Beaubois, payées 260 écus, valent à peu près la même somme qu’un troupeau de 74 moutons (avec un chapeau en plus !), tandis que la petite annexe servant de foyer à Blanchard n’a que la valeur de 20 moutons[315].

Une comparaison plus sérieuse, mais peut-être moins réaliste s’impose. Pour y arriver, il faut nécessairement nous baser sur une autre commune, Lillianes[316]. Dans son ouvrage monographique sur cette paroisse, Orphée Zanolli a consacré un chapitre aux monnaies et à leur valeur du XIVe au XVIIIe siècle. De 1660 à 1693, une journée d’ouvrier vaut 20 sols, soit 1 écu et un peu moins de 2 florins[317], une journée de manœuvre pour transporter du sable vaut 1 écu en 1677. La petite annexe de Blanchard vaut 70 écus, soit 52,5 journées d’ouvrier, somme payée en cinq fois, alors que la plupart des ouvrages sont réglés en trois rates; la maison en pierre de Beaubois, qui vaut 260 écus, correspond à un labeur de 200 journées d’ouvrier, tandis que le raccard à vingt jambes des Droles en vaut 584, sans compter les denrées alimentaires, la corde, le chanvre et les chemises.

Au XVIIIe siècle, la journée d’ouvrier passe à 22 sols. Le raccard de La Croix dit d’Ardisson vaut 540 livres de 20 sols, autrement dit 490 journées d’ouvrier. Le petit raccard de Pilaz n’en vaut que 63. Pour avoir, une référence plus terre à terre, comparable à celle des moutons, le raccard d’Ardisson a approximativement la valeur de 14 vaches, tandis que le petit raccard de Pilaz, en vaut seulement 2[318].

 

Conclusion

Après ce dernier paragraphe, on se rend compte à quel point les habitations rurales ont nécessité de gros efforts de préparation et combien leur réalisation était coûteuse. On est bien loin d’une maison «pour rien» dans cette commune de haute montagne. Au contraire, nous avons pu apprécier quel troupeau était nécessaire pour solder la construction d’un grand raccard, bien que les échelles de valeurs aient fort changé de l’Ancien Régime au XXIe siècle.

Les prix-faits démontrent en outre comme la société traditionnelle était complexe, pratique, mais aussi, il n’y a plus de doute, extrêmement diversifiée malgré le plan simple et presque généralisé du modèle de logis à cohabitation hivernale à l’étable. Les raccards et les maisons ne sont pourtant pas ici le fruit d’une architecture «spontanée», bien que les maîtres d’ouvrage se consacrent longtemps à la préparation et aux transports des matériaux. Ils sont construits par des artisans spécialisés. Les textes montrent qu’il s’agit de réaliser un bel ouvrage très «représentatif» socialement parlant, aux proportions élégantes, considéré pour l’époque moderne, au goût du jour, d’un beau dessein nouveau, mais qui suit les règles du Coustumier. Même si les plans adoptés sont répétitifs parce qu’ils correspondent à des modèles culturels locaux, cela n’enlève rien à leur valeur. Bien au contraire, on leur a ajouté des annexes, des appendices variés qui donnent à chaque bâtiment une originalité particulière, tout en respectant, pour les aménagements intérieurs, l’usage d’Ayas. Le propriétaire de l’édifice à construire fait appel à des artisans spécialisés, parfois à de véritables entrepreneurs. Au XVIIe siècle, ceux-ci sont presque toujours d’Ayas, qu’ils soient maîtres-charpentiers ou maçons. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, par contre, il semble que le nombre des maçons, migrants saisonniers originaires de la Vallée du Lys, soit en croissance, peut-être en partie à cause de l’interdiction de prélever du bois dans les forêts communes à partir de 1757.

Les constructions des XVIIe et XVIIIe siècles, et surtout les raccards, ont encore un fort impact paysager à Ayas, à Brusson et à Saint-Vincent. Ce sont ces bâtiments conservés, analysés au cours de l’inventaire régional du patrimoine, qui ont favorisé l’interprétation des prix-faits. Ils ont été bâtis en utilisant exclusivement les matériaux du terroir (épicéas et mélèzes, pierres variées, lauzes, sable, chaux ou terre) et en appliquant des règles de l’art bien établies, étayées par l’expérience: pas de gaspillage, pas de poutres grossièrement travaillées, mais la juste mesure des pièces, fruit de la connaissance des matériaux et des techniques.

[1] Commune de la tête de la vallée de l’Evançon, au pied du Mont-Rose.

[2] Parmi ces clichés, démontés par l’inventaire des édifices ruraux en Vallée d’Aoste et dans plusieurs Cantons suisses, il y a l’idée, complètement inexacte, que les plus anciennes constructions de bois ne remonteraient qu’au XVIIIe siècle (H. Raulin, Savoie, 1977, p.26), alors qu’elles résistent pendant plus de cinq siècles si elles ne sont pas démolies par l’homme ou brûlées lors d’un incendie. Il est très fréquent au surplus de lire que l’édification de la maison rurale a été longtemps l’affaire exclusive de ses utilisateurs sans l’intervention de spécialistes (H. Raulin, op. cit., p.21) et que l’origine des formes architecturales remonte à la préhistoire (Ibidem, p.25). En outre, les contraintes du milieu physique auraient conditionné la plupart des choix architecturaux. Les maisons rurales n’auraient pas d’histoire. Comment se fait-il alors qu’elles prennent des formes si variées dans un même village ?

[3] ANA. «Tappe» de Châtillon, Vol. 1015: le tout sera de longeur et largeur de cinq toises de chaque côté suivant le petit dessein qu’ils en ont pris.

[4] Les minutaires des Archives des Notaires d’Aoste exploités pour cette recherche font partie essentiellement de la «tappe» de Châtillon, c’est pourquoi j’indiquerai simplement comme références, en note, le numéro d’inventaire du volume et la date de l’acte. Les volumes cités sont tous repris dans la liste suivante qui est composée du nom du notaire, de la numération des volumes inventoriés et de la période pendant laquelle le notaire a été actif selon l’inventaire des Archives:

Jean Jacques ALLIOD. Vol. 10 à 16 (1734-1757);

Jean Martin ALLIOD. Père et fils. Vol. 17 à 30 (1712-1779);

Jehan BECQUET. Vol. 82-83. (1610-1633);

Amed BECQUET. Vol. 85-86. (1604-1623);

Jean BRET. Vol. 186 et vol. 1155 (1642-1663);

Jacques CHADEL. Vol. 226 à 229 (1664-1715);

Martin CHASSEUR. Vol. 313 à 315 et 321 (1609-1615);

Pierre Chasseur. Vol. 316 à 319, 321 et 322 (1599-1637);

Pierre CHASSEUR. Vol. 323 (1680-1687);

Mathieu CHASSEUR. Vol. 324, 325, 326 (1682-1724);

Jean Pierre DESENFANS. Vol. 405 à 409 (1679-1735);

Jean Louys DONDEYNAZ. Vol. 450, 452, 452, 453 (1747-1789);

Louys DONDEYNAZ. Vol. 442 à 449 (1716-1770);

Claude DUC. Vol. 472 à 477 (1654-1694);

Jean Martin DUC. Vol. 478 à 483 (1694-1730);

Jean Pierre DUC. Vol. 491, 492 (1700-1715);

Pierre DUC. Vol. 484 à 490 (1650-1697);

Joseph FAVRE. Vol. 537 à 542 (1672-1702);

Jean Pierre FAVRE. Vol. 543 (1745 – 1747);

Joseph FINAZ. Vol. 544 à 548 (1732-1767);

Martin FOUCZON. Vol. 553 (1592-1629);

Martin FOSSON. Vol. 556, 559 (1591-1626);

Emmanuel FOURNIER. Vol. 555;

Antoine MERLET Vol. 829 (1606-1607);

Martin OBERT (père). Vol. 965 à 969 (1647-1693);

Martin OBERT (fils). Vol. 967 à 970 (1695-1706);

Jean Martin OBERT. Vol. 978 à 988 (1743-1785);

Jean Joseph OBERT. Vol. 989 à 1000 (1753-1800);

Mathieu OBERT. Vol. 971 à 977 (1686-1727);

Jean Pierre OBERT. Vol. 1005 à 1014 (1686-1725);

Simon OBERT. Vol. 1002-1003 (1657-1690);

Jean Baptiste OBERT. Vol. 1015 à 1018 (1727-1742);

Pierre PERRET. Vol. 1047, 1052 à 1053 (1642-1670);

François PERRET. Vol. 1054 (1665-1686);

Jean Antoine PERRET. Vol. 1049-1051 (1711-1730);

Jean Baptiste PERRET, père et fils. Vol. 1057 à 1063 (1751-1767);

Emmanuel QUEY. Vol. 1236, 1237 (1675-1702);

Noble Claude QUEY. Vol. 1243 à 1245 (1607-1634);

François-Joseph QUEY. Vol. 1206, 1207 (1692-1733);

Jean Claude RIEU. Vol. 1316 (1687-1718);

Jacques ROLLANDIN, père. Vol. 1280, 1326, 1331 (1597-1629);

Jacques ROLLANDIN, fils. Vol. 1281 (1632-1647);

Emanuel ROLLANDIN. Vol. 1282, 1286, 1292, 1294, 1327 (1655-1686);

Jean-Metran VESCOZ. Vol. 1456 à 1458 (1682-1716);

Jean-Jacques VESCOZ. Vol. 1442 à 1455 (1732-1758);

Mathieu VISENDAZ. Vol. 1480 a et b (1607-1643).

A la fin du XVIIe siècle, vers 1690, il n’y a pas moins de 14 notaires actifs à Ayas ((A.H.R. Fonds Challant, 151, 007 et 008 avant 1694 et en 1697).

[5] Voir C. Remacle, D. Marco, G. Thumiger, Ayas. Uomini e architettura, Ayas 2000, pp. 125-148. L’ouvrage est en italien. La plupart des chapitres sont traduits à partir de textes originaux rédigés en français. Le chapitre tiré des prix-faits ne prenait en considération qu’une dizaine d’actes sur plus de soixante, certes les plus complets et les plus représentatifs du point de vue architectural, c’est-à-dire ceux qui concernent des bâtiments neufs ou entièrement reconstruits.

[6] Vol. 406, 30 mars 1704.

[7] Vol. 474, 24 février 1667.

[8] Darbes, mot disparu sous cette forme, peut-être du parler local: l’arbe, la maie. Un autre texte conservé aux A.H.R. Fonds Challand, Vol. 157, mazzo 1, n. 7, 26 octobre 1772. Location donnée par Jean-Baptiste Chadel, conseiller de Lignod, assisté de ses communiers, à Jean-Baptiste Comod des moulins avec grenier, vulgairement appellée entremoves, leurs chemises carrées vulgo darbes, leurs caches pour contenir la farine, leurs rouets cerclés de fer, pals de fer, renettes et ovaciers à chaque moulin avec six cercles de fer, un à chaque meule.

[9] Vol.474, 24 février 1667; Vol. 1480b, 9 février 1618.

[10] Vol. 1456, 26 janvier 1686: faira aussy une credence atachée à la muraille de ladicte crotte.

[11] L’identification n’est vraiment sûre que si le bâtiment en place porte un chronogramme au moment de l’inventaire et si les caractéristiques architecturales correspondent parfaitement à celles du prix-fait: dimensions et fonctions.

[12] Vol. 314, 12 juin 1609.

[13] J’ai fait des sondages dans les Archives des Notaires sur l’ensemble de la Vallée d’Aoste. Quelques premiers résultats sont publiés dans Fénis. Une communauté au fil de l’histoire, sous la direction de E. Gerbore, Quart 2000, pp. 385-428 et in Introd, sous la direction de S. Barberi, Quart 2002, pp. 61-95. Les artisans de la Vallée du Lys migraient au surplus pendant la bonne saison en Suisse, en Piémont, en Tarentaise, en Maurienne et dans le Dauphiné. Voir à ce sujet, A. Belmont, Des ateliers au village. Les artisans ruraux en Dauphiné sous l’Ancien Régime, T.1., Grenoble 1998, pp. 122-124.

[14].Vol. 1245, F°18, dernier jour de février 1620. Pour l’émigration des Ayassins vers les pays du Nord, voir G. Thumiger, Note sulla parrocchia di Ayas, in Collectif, Ayas … op. cit., pp. 17-22.

[15] On sait par l’acte de vente de 1620 que Jaques Dondeynaz avait à Cunéaz contre le chemin public des domicilles contenant estable, cellier, poile, maison focaire, ensemble le membre de rascard sur jambes sur lesdictz domicilles […] contenant douze chamberaux, quattre ayres et deux greniers, le tout à bois couvert à labies (Vol. 1245, ibidem).

[16] Vol. 1480a, 30 mai 1620: ledit Conchastre fera les murallies […] de largeur et ex pesseur convenable et aussy prendre maistres massons suffisants et cappables comme convient et de ceux que ledit Chadel fera election.

[17] Vol. 1243, 1 mars 1633.

[18] Voir à ce sujet, l’historiogramme, in C. Remacle, D. Marco, G. Thumiger, Ayas … op. cit., Ayas 2000, p. 97.

[19] Vol. 490, 24 août 1658.

[20] A.H.R. Fonds Challant, 151, 007. Cottet d’avant 1694. Dans ce cottet, comme dans le suivant (1697),très peu de communiers de la paroisse sont signalés comme maistre, et, en outre, sans préciser s’il s’agit d’un tailleur d’habit, d’un cordonnier ou d’un charpentier. Le corpus établi grâce aux prix-faits est beaucoup plus étoffé.

[21] Vol. 472, 3 février 1664. Ce raccard était situé dans la zone des Quartiers dite des Quailles, à l’amont de Champoluc, en direction de Champlan. Il a été détruit par une avalanche le 6 janvier 1920.

[22] Vol. 472, 3 février 1664; vol. 486, 11 février et 13 septembre 1675; vol. 476, 7 janvier 1680; vol 539, 4 septembre 1680.

[23] Idem note 20.

[24] Vol. 1054, 24 octobre 1666. La partie supérieure de la commune d’Ayas a été colonisée par des populations d’origine alémanique qui ont été assimilées à la population locale. On appelle cette zone «Les Allemands» dans les textes et on parle encore aujourd’hui «du Canton des Allemands».

[25] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[26] Vol. 1054, 24 octobre 1666.

[27] Vol. 474, 21 avril 1667. Il s’agit du Refuge des Guides situé au pied du village de Résy.

[28] Vol. 488, 6 août 1674.

[29] Vol. 323, 25 août 1686.

[30] A. Clos, Oropa et la Vallée d’Aoste, soit relations des Valdôtains avec le Sanctuaire d’Oropa, Aoste 1906, pp. 46-49; L. Capra, S Favre, G. Saglio, Les sabotiers d’Ayas. Métier traditionnel d’une communauté valdôtaine, Ivrea 1995, p.22 et 23.

[31] Vol. 476, 15 septembre 1674.

[32] Vol. 539, 22 décembre 1679.

[33] Vol. 539, 29 décembre 1675.

[34] Vol. 477, 1 septembre 1684.

[35] Voir à ce sujet, l’historiogramme cité à la note.

[36] Un lieu-dit « Ardisson » est conservé sous le village de Pilaz. Ce nom de lieu rappelle que le terrain a appartenu à la famille Ardisson, qui s’éteint à Ayas au XVIIIe siècle. Dans le cas du prix-fait, il s’agit de façon évidente d’un autre endroit, car la position de l’Evançon et du grand chemin ne correspondent pas à la description de l’acte. Grâce au Livre terrier du Canton de Pilla et dépendances datant de 1729-1730, conservé aux A.H.R., Fonds Ayas I, 9, F°119, on peut affirmer que les domicilles d’Ardisson se trouvaient près du Trochey, le long de la route régionale, au lieu actuellement appelé La Croix.

[37] Vol. 442, 22 mai 1718.

[38] Vol. 973, 10 avril 1712, raccard à Magnéaz.

[39] Vol. 442, 6 janvier 1718.

[40] Vol. 406, 29 juin 1704, raccard sans jambes à Magnéaz.

[41] Vol. 1015, 8 septembre 1727.

[42] Vol. 1018, 31 mai 1739, plancher à Barat.

[43] Vol. 1015, 2 juillet 1732, raccard à Pilaz.

[44] Le fils du notaire, Dominique. Vol. 14, 21 janvier 1752, couverture en bois.

[45] Vol. 11, 16 juillet 1741, travaux à un pailler à Périasc.

[46] Vol. 445, 28 août 1734.

[47] Parmi les actes consultés, les seuls noms repérés de migrants potentiels sont: Cugnet, Lettry et Tesco, mais ils ne sont pas qualifiés de maistre dans les registres des cottets de l’époque (A.H.R. Fonds Challant, 151, 007 et 008 avant 1694 et en 1697). Certains signent cependant des contrats de construction. En 1658, un artisan, signataire d’un prix-fait est originaire d’Antey-Saint-André: Anthoine d’André Lettrÿ d’Antheÿ. Sans titre particulier, il restaure la digue de protection située le long de l’Evançon entre Pilaz et Périasc, avec Anthoine de Martin Fouczon (Vol. 555, 6 mai 1658). En 1676, à Magnéaz, Maistre Jaques Cugnet (dont on ne sait pas l’origine, mais qui habite à Champlan) est chargé de la restoration du tribunal d’Ayas […] scavoir premièrement les deux pillons et la muraille qu’est de dessus, vers le cortil de Discret Michel Visendaz, plus la muraille quest du levant, celle du couchant, plus de faire une fousse soit duis (?) dernier ledict tribunal […]. Vol. 537, 10 juin 1676.

[48] Vol. 1447, 2 février 1741.

[49] Vol. 1449, 30 juin 1749.

[50] Vol. 546, 21 décembre 1749.

[51] Vol. 453, 24 juin 1764.

[52] Vol. 985, 4 août 1770.

[53] Vol. 985, 3 octobre 1771.

[54] Voir à ce sujet l’ouvrage de B. Orlandoni, Artigiani e artisti in Valle d’Aosta dal XIII secolo all’epoca napoleonica, Ivrea 1998.

[55] Vol. 1012, 30 juin 1707 et 29 décembre 1709.

[56] Vol. 1018, liste des meubles de l’hoirie David, 1740, et vol. 982, 17 novembre 1758 : inventaire après décès des biens mobiliers de Maître Jean-Claude David, menuisier. Ce dernier texte établit la liste de ses outils : toutte sorte de meubles et fers qui convient à un bon maître charpentier et à un maître de bois (menuisier): compas, équerres et règles (randons), marteaux, limes, ciseaux (échaproz), couteaux, nombreux rabots (plane, pianet, pastourel pour faire les gaillons, guillamen soit demy varloppe, varloppe soit cimen, coussieur ou cousoir des planchers, des poutres, des arches), haches et scies de toutes sortes (yssoulle, resse, ressette, étrosson, butte), tarières (virabroquin, taravelle et taravellin) et vrilles (follatons ?). Il n’y a pas moins d’une centaine d’outils près de l’établi de Jean-Claude David. L’équipement relatif aux travaux de maçonnerie est par contre presque inexistant.

[57] J’ai également trouvé une convention datant du 10 décembre 1741 (Vol. 11) où il est question d’un maistre charpantier provenant de la Val de Sesiaz, Charles Gillard, qui s’oblige de tenir avec luy Discret Joseph feu Jean-Mathieu Alleyson. Il travaille à Ayas, car l’apprenti n’est pas nourri par le maître et paie même pour sa formation trois livres de vingt solz chaques mois. Trois ans plus tard, le jeune Alleyson repasse une convention pour compléter sa formation de charpentier et menuisier pendant deux mois avec Maître Jean-Antoine Merlet (Vol. 1448, 27 janvier 1744).

[58] Vol. 475, 22 juin 1673.

[59] Vol. 476 et 475.

[60] Vol. 539, 475, 476, 484.

[61] Vol. 476, 7 mars 1672.

[62] Vol.575. Par exemple: acte d’émancipation du fils Mathieu de Maistre Mathieu Yannoz d’Ayas, 2 octobre 1756.

[63] Vol. 1009, 24 mai 1713, émancipation des fils de maître Pierre de Marc Viot.

[64] Vol. 476. Convention du 18 février 1672.

[65] Vol. 1016, 2 août 1735.

[66] Vol. 406, 28 juin 1695.

[67] Vol. 406, 29 juin 1704.

[68] Sous l’Ancien Régime, Ayas est l’une des communautés de haute montagne les plus peuplées du Duché d’Aoste: plus de 1.700 habitants au début du XVIIIe siècle.

[69] Vol. 407-409. Les fils du Notaire Desenfans partent en hiver près de Turin, 1711-1723.

[70] L. Capra, S. Favre, G. Saglio, op. cit., Ivrea 1995.

[71] Vol. 442, 22 mai 1718. Témoin: sieur Isaac de fû Jaques Billiaz, charpentier au régiment de Savoye pour Sa Majesté.

[72] Surtout dans la basse vallée du Lys, la vallée de Challand et l’envers de la vallée centrale (Chambave, Fénis, Saint-Marcel).

[73] Ce bref aperçu se base sur l’analyse systématique de vingt-deux inventaires après décès de 1676 à 1775. Voir à ce sujet, C. Remacle, Il patrimonio mobile, in Ayas … op. cit, Ayas 2000, pp. 115 – 124.

[74] C. Bonardi, L’arredo et le robbe della casa, in L’architettura popolare in Italia. Piemonte, a cura di V. Comoli – Mandracci, Roma -Bari 1986, p. 213.

[75] Vol. 1018, 9 mars 1739.

[76] Vol. 458, 27 juin 1774.

[77] Vol. 450, 22 septembre 1752.

[78] A.S.T. Sezioni riunite, 2a Arch. Ducato di Aosta.

[79] Ces chiffres sont certainement un peu sous-estimés, car on esquivait les contrôles en déplaçant le bétail.

[80] Vol. 545, 15 août 1751, cinq obligés signalent l’expédition d’une mule à cinq particuliers de Gressoney.

[81] Les zones viticoles où se rendaient les Ayassins étaient localisées à l’adret de la Vallée de la Doire, de Montjovet à Chambave.

[82] Vol. 21, 8 juin 1736.

[83] A.Letey, Come vivevano i nostri antenati, in Ayas. Storia, usi, costumi, tradizioni della Valle, Ayas 1968, p. 95.

[84] Tappe Aoste, Vol. 1553, 2 juillet 1676.

[85] Vol. 405, 20 mars 1688.

[86] L’archebanc est un coffre muni d’un dossier et d’accoudoirs.

[87] Vol. 450, 22 septembre 1752.

[88] Premiau: presse à fromage.

[89] Colliau: passoire.

[90] L’arbe, la maie ou le pétrin en patois d’Ayas.

[91] Pioles et piollets: haches et hachettes.

[92] Fouchet: serpe.

[93] Ollines = fétuques, ou herbes des chamois.

[94] Sappes: houes.

[95] Sape des rives: houe servant à la fois de pioche pour creuser les rus.

[96] P. Manne, Le paysan dans ses meubles, in Campagnes médiévales: l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris 1995, pp. 247-259.

[97] Charet: lit-chariot.

[98] Vol. 1018, 9 mars 1739.

[99] Tecquebet = couvre-lit, mot d’origine germanique.

[100] T. Fragno, Abbigliamento tradizionale, in La Terra degli Challant, sous la direction de S. Favre et D. Vicquéry, 1998, pp. 346-348.

[101] Vol. 405, 20 mars 1688 et vol. 971, 21 février 1699.

[102] Vol. 985, 3 octobre 1769.

[103] Vol. 11, 8 octobre 1742.

[104] Vol. 982, 17 novembre 1758.

[105] Lors de la description du poêle de la maison de Joannin Obert à Pilaz, après la liste des vêtements, le premier meuble cité est une armoire: plus un grand armery soit buffet et un autre plus petit.

[106] Vol. 451, 30 juillet 1753.

[107] Trente-sept titres composent la bibliothèque rangée dans un coffre chez Joseph Chasseur (Vol. 1018, 9 mars 1739). Voir à ce sujet, C. Remacle, Il patrimonio mobile… op. cit.

[108] Vol. 405, 20 mars 1688. Partages des meubles faits entre les hoirs d’égrège Emanuel Phelix Fornier. Il habitait au village de Bisous.

[109] La hallebarde et la bannière d’alphier usée montre qu’il y a eu un militaire dans la famille.

[110] Seze = chaises, appelées banches dans la minute. Vol. 408.

[111] Loge: balcon, galerie.

[112] Tine: cuve.

[113] Cuvel: cuvier?

[114] Vastes maisons qui regroupent sous un même toit l’homme et son bétail, c’est-à-dire la demeure de la famille et les espaces nécessaires à l’élevage et à la production agricole (étable, fenil).

[115] C. Remacle, Les maisons en pierre en Val d’Aoste (XVe-XVIe siècle), in Le village médiéval et son environnement. Études offertes à Jean-Marie Pesez, Paris 1998, pp. 203-220.

[116] Vol. 476, 15 septembre 1674.

[117] Vol. 1456, 26 janvier 1686.

[118] Vol. 539, 22 décembre 1679.

[119] Trois toises = 5,61 mètres; deux toises et demie = 4,68 mètres.

[120] Six pieds = 187,2 centimètres.

[121] Cinq pieds et demy = 171,6 centimètres.

[122] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[123] De beu = de vide, du parler local bu.

[124] La carre: le coin

[125] Vol. 1480b, 30 mai 1620.

[126] Cinq quart de toise: 2,34 mètres.

[127] D’un trap à l’autre: d’une poutre à l’autre, comme on mesure encore aujourd’hui la hauteur des étages.

[128] Lalle, probablement l’aile, mais il pourrait aussi s’agir de louya, voir note ***.

[129] Je n’ai trouvé que des prix-faits de raccards construits sur deux étages en maçonnerie.

[130] Au fondement: au premier niveau.

[131] Entreparti = séparé

[132] Vol. 414, 12 juin 1609.

[133] Vol. 488, 6 août 1684.

[134] L’alloir = le corridor d’entrée; en patois d’Ayas, l’ayoù.

[135] Vol. 176, 24 juin 1764.

[136] Vol. 1456, 26 janvier 1686.

[137] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[138] Vol. 476, 15 mars 1674.

[139] Vol. 1480a, 2 avril 1614.

[140] Les chamberaux = les gerbiers, du parler local: li tchambèrài, au singulier, lo tchambèral.

[141] Fustes: troncs, pièces d’empilage.

[142] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[143] L’ayre est l’aire de battage, tandis que l’ayrette est le petit espace, situé au bout de l’aire, entre les deux tchambrette, les deux greniers; Vol. 1015, 17 octobre 1728.

[144] Vol. 985, 16 novembre 1770

[145] Probablement d’apone, joindre dans le parler local.

[146] Vol. 1018, 4 juillet 1740.

[147] Loppe = madriers, dans le parler local li loppe. Dans les archives, loppes ou lappes.

[148] Vol. 474, 21 avril 1667.

[149] Vol. 476, 7 janvier 1680.

[150] D’après les notes du notaire Desenfans, on sait que la cuisson du pain se déroulait certaines années en plusieurs fois.

[151] M.-P. Mallé, L’Habitat du nord des Hautes-Alpes, 1999, Aix-en-Provence, p. 146.

[152] Vol. 314, 12 juin 1609.

[153] Vol. 1664.

[154] Vol. 1686.

[155] Vol. 1448, 30 octobre 1745 et vol. 1449, 30 juin 1748.

[156] Vol. 1449, 30 juin 1748.

[157] Actuel Rifugio delle Guide.

[158] Vol. 323, 25 août 1686. Construction du clocher de Magnéaz.

[159] Vol. 1449, 18 août 1748.

[160] Les sarailles: les serrures; vol. 1480, 2 avril 1614 et vol. 448, 20 mai 1754.

[161] C’est-à-dire: quatorze poutres, les consoles en bois, les solives, les madriers, les chevrons, la poutre-maîtresse, les pannes et les lattes.

[162] Vol. 1480a, 30 mai 1620.

[163] Vol. 442, 6 janvier 1718.

[164] Du patois tramartchà, déplacer des objets encombrants.

[165] Vol. 1054, 24 octobre 1666.

[166] Foage = focage, ici probablement dans le sens de foyer.

[167] Deux planches de bois de mélèze.

[168] Vol. 555, 6 mai 1658.

[169] Le bon rouge: le bois de cœur ou duramen.

[170] Le blanc: le bois d’aubier.

[171] La rosa, la rocza, la roze, la rocze: terme provenant du parler d’Ayas, la rodza, le canal d’amenée d’eau.

[172] Vol. 486, 11 février 1675.

[173] La dépoillie = la dépouille, les restes (1680).

[174] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[175] Vol. 1017, 2 février 1738.

[176] Vol. 1480a, 2 avril 1614.

[177] Murgère = tas de pierres, du parler local la meurdjéra.

[178] Vol. 325, 12 juin 1609.

[179] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[180] Vol. 985, 16 novembre 1770.

[181] Plantes = arbres, du parler local li piante.

[182] Les labies= les lauzes, les dalles de pierre.

[183] Emoncellées = accumulées, entassées.

[184] Vol. 1015, 17 octobre 1728.

[185] Lo Drozéi, parcelle F°57, 6.

[186] Bedzaye, parcelle F°59, 6,7,8,9.

[187] Le chavement, la chave = en patois, la tchava, la fosse, l’excavation.

[188] 9 toises = 16, 85 mètres; 4 toises ¼ = 7, 95 mètres.

[189] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[190] Vol. 985, 4 août 1770.

[191] Vol. 453, 24 juin 1764.

[192] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[193] Vol. 472, 18 septembre 1654.

[194] Onces: 4,28 centimètres. Mesure du Piémont en vigueur à Ayas et dans la Vallée d’Aoste en général pour les travaux de menuiserie. Voir O. Zanolli, op. cit., p.382, copie de la Table des poids et mesures du Piémont et de la Vallée d’Aoste: le pied piémontais de 1,946 mètre comprenait 11 onces.

[195] Etaches: les piquets, du patois d’Ayas y ehtathe.

[196] Vol. 539, 22 décembre 1679.

[197] Trente sestiers de chaux: 0,061 m³ x 30 = 1,83 m³, d’après O. Zanolli, op. cit., p.391.

[198] Un montón: un tas, en patois d’Ayas.

[199] Vol. 985, 29 novembre 1770.

[200] Vol. 935, 4 août 1770.

[201] 65 toises carrées de mur = 227,5 m².

[202] 36 toises carrées = 126 m².

[203] Dans l’état actuel de la recherche, j’ignore la valeur de la charge de chaux ou de sable.

[204] Armements, ici, dans le sens de coffrages en bois.

[205] Vol. 488, 6 août 1674.

[206] Vol. 476, 15 septembre 1674.

[207] Cantonnée = en patois cantonà, chaîne d’angle de la bâtisse. Vol. 453, 24 juin 1764.

[208] Vol. 985, 16 novembre 1770.

[209] O. Zanolli, Computa Sancti Ursi, III, Quart 1998, p. 1044, le mot tour est utilisé dans le cas de chevrons en 1498, p. 1242, tour: longueur d’un poing fermé = 25 cm.

[210] Il n’a pas été relevé.

[211] Dans son ouvrage La Vecchia Aosta, Aosta 1985, le Professeur Lin Colliard signalait le tour comme unité de mesure utilisée à Aoste pour mesurer les animaux: là, un tour valait seulement 10 cm environ, p. 210 et p. 215, note 71: Il tour era l’unità di misura (approssimativa) di cui ci si serviva per misurare la grossezza d’un animale e corrisponde alla larghezza della mano chiusa che impugnava alternativamente uno spago passato attorno all’animale. La valeur très faible de 10 cm a influencé l’interprétation erronée présentée dans le chapitre publié en 2000, cité en note 5.

[212] Vol. 486, 3 janvier 1673.

[213] En patois d’Ayas, l’ouya.

[214] A Ayas, la vallée a une orientation septentrionale, ce qui implique une implantation de presque tous les bâtiments le long des courbes de niveau. Les ouvertures de l’habitation sont soit en pignon, tournées vers le midi, soit orientées vers la vallée.

[215] Vol. 474, 21 avril 1667.

[216] Coustumes du Duché d’Aouste avec les uz et stils du pais, Chambéry [1588], nouvelle édition, Aoste 1988. Livre III. Tiltre VIII. Des vues et des fenestres. Articles III et IV. F°373.

[217] La pose en œuvre des barres de fer les fixe définitivement au bâtiment et les rend partie intégrante de l’immeuble, c’est pourquoi on ne les trouve pas citées en général dans les inventaires après décès.

[218] Vol. 314, 12 juin 1609.

[219] Vol. 1480a, 26 août 1614.

[220] Vol. 1448, 10 octobre 1745.

[221] Vol. 971, 21 février 1699.

[222] Vol. 971, 21 février 1699, mais aussi vol. 458, 27 juin 1774. Inventaire de l’hoirie de Jean-Louis Brunod à Crest: audit estable y est les vitrails à touttes les deux fenestres.

[223] A. Belmont, op. cit, p. 185: jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les vitriers étaient totalement absents des campagnes alpines.

[224] A.H.R., Fonds Ayas I, 9, F°117; Livre terrier du Terroir de Pilla et dépendances, 1729-1730.

[225] Vol. 314, 12 juin 1609.

[226] Vol. 539, 22 décembre 1679.

[227] Vol. 476, 15 septembre 1674.

[228] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[229] Vol. 1449, 18 août 1748.

[230] Vol. 1486, 13 septembre 1675.

[231] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[232] Vol. 1016, 2 mai 1734.

[233] Sinon = excepté.

[234] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[235] Vol. 1480a, 30 mai 1620.

[236] Vol. 488, 6 août 1674.

[237] Les moustres, probablement de mohtrà, montrer en patois d’Ayas.

[238] La rusque = l’enduit, le crépi.

[239] Vol. 1018, 4 avril 1740 et 4 septembre 1740.

[240] Vol. 539, 20 juin 1682.

[241] Vol. 474, 21 avril 1667.

[242] Une campagne de sondage a permis de connaître la date de construction du modèle de raccard le plus ancien à Ayas en 1999. Les cinq bâtiments choisis pour effectuer les carottages ont été érigés entre 1430 et 1450 (Laboratoire romand de dendrochronologie). Voir à ce sujet, D. Marco, Modelli architettonici e pratiche costruttive fra XV e XIX secolo, in Collectif, Ayas… op. cit., Ayas 2000, p.62.

[243] Vol. 406, 28 juin 1695.

[244] Vol. 985, 16 novembre 1770.

[245] Vol. 1015, 17 octobre 1728.

[246] Trabz = poutres

[247] Fustes = troncs, poutres.

[248] Sollivan = plancher ou, parfois, plafond.

[249] aix = planches.

[250] Aix cousuz = planches embrevées.

[251] Sans boudron = sans ballustres.

[252] Vol. 314, 12 juin 1609.

[253] W. et A. Egloff, Les maisons rurales du Valais, I, Basel 1987, pp. 233-236.

[254] Bordon(n)al est un adjectif que l’on employait pour montrer l’importance, la suprématie d’une chose sur une autre. On trouve un ru bordonal à Gressan, par exemple.

[255] Une once et un quart = 5,35 cm.

[256] Vol. 539, 29 décembre 1675.

[257] A soullie: à rainures et languettes; à ongle: à simples languettes d’appui.

[258] Plancher à la francoise, à la française: plafond avec solives rapprochées ou à caisson.

[259] Ici boudron a certainement le sens de planches embrevées sur leur longueur, comme dans la construction des petites chambres en bois.

[260] Vol. 445, 28 août 1734, convention de préparation des pièces de bois pour la réalisation des planchers d’une maison à Champoluc: trois douzaines de travet (sic) de la largeur de cinq pié et de la grosseur bonne de ceux qui sont dans la salle de Je notaire soussigné, plus deux douzaines de petitte planche propres pour boucher les trouz des travets sur les trals soit pouttres de la largeur convenable auxdits travets et de demie bonne once despesseur (4,3 cm), travallés de la longeur de cinq pié, plus quattre trals de la salle de lauteur de sept onces (environ 30 cm) et despesseur trois et demies (environ 15 cm), de la longeur à ce suffisante pour la baptisse prémédittée. Ce texte pose le problème de la valeur du pied à Ayas. Il est problable qu’il s’agit ici de la valeur piémontaise: 51, 37 cm.

[261] Une tirée, du parler local euna teura, une partie du plancher, d’un mur à l’autre.

[262] Vol. 405, 7 mars 1683.

[263] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[264] Vol. 314, 12 juin 1609.

[265] Vol. 477, 1 septembre 1684.

[266] Vol. 474, 21 avril 1667; vol. 477, 1 septembre 1684. Lo conquet, dans le parler local, le petit récipient en bois creusé.

[267] Vol. 1016, 2 mai 1734.

[268] J’ignore sa forme exacte, mais peut-être est-ce tout simplement la forme de la souche qui s’est répandue ensuite: à colonnettes avec un trou dans le couronnement en forme de croix, fréquente surtout à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe.

[269] Vol. 1447, 19 et 22 novembre 1742.

[270] D’après le témoignage d’un maçon de Bionaz, Romano Blanc (*1948 à Bionaz), pour que la fumée ne refoule pas, on montait les souches de cheminée sur le toit à la lune croissante. Le texte montre que la même pratique existait probablement à Ayas. Par contre, aucun prix-fait n’a permis d’individualiser l’existence de rites au début ou à la fin du chantier, pas plus que l’obligation d’inciser une date ou des inscriptions, pourtant très fréquentes sur les poutres faîtières.

[271] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[272] Vol. 453, 24 juin 1764.

[273] Un vuidiou de l’eau = un évier en pierre.

[274] De pierre doucze = de pierre ollaire. Il est question aussi d’un fourneau en pierre, in Vol. 985, 2 janvier 1770, vagère, donnée par les communiers du canton de Mentenc, Bizous et Pilla à Maître Jean-Baptiste Favre pour six années: dans les domicilles susnommés un forneau de pierre existant au poille du gros moulin.

[275] Vol. 475, 13 septembre 1675.

[276] Reches = mangeoire, du parler local la rètcha.

[277] A. Clos, Mémoire de la paroisse d’Ayas (1889), par S. Favre, Aoste 1997, p.143.

[278] Embochées = crépies, du parler local, èmbotchà.

[279] Vol. 490, 24 août 1658.

[280] Vol. 14, 21 janvier 1752.

[281] Vol. 1054, 24 octobre 1666.

[282] Vol. 14, 21 janvier 1752.

[283] Vol. 1480a, 30 mai 1620.

[284] Vol. 445, le 4 août 1734.

[285] La poutre faîtière et deux pannes intermédiaires.

[286] Deux tiers d’once: 2,85 cm. 5 onces = 21 cm; 6 onces = 25,7 cm; 7 onces: 30 cm.

[287] De peca, de bois d’épicéa.

[288] 2 onces= 8,56 cm; 2,5 onces: 10,7 cm.

[289] Les cotiguettes, mot inconnu dans l’état actuel de la recherche.

[290] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[291] Le corp = la poutre faîtière.

[292] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[293] Vol. 539, 22 décembre 1679.

[294] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[295] Vol. 314, 12 juin 1609.

[296] Vol. 472, 27 octobre 1664.

[297] Vol. 539, 15 septembre 1680.

[298] Vol. 1456, 26 janvier 1686.

[299] Vol. 472, 3 février 1664.

[300] Foire à Ayas (Périasc) le 14 septembre; son retor le 8 octobre.

[301] Vol. 474, 21 avril 1667.

[302] Vol. 1480a, 26 août 1614; vol. 486, 13 septembre 1675.

[303] Vol. 1054, 24 octobre 1666.

[304] Une toise carrée = 3,5 m².

[305] Gros: au XVIIe siècle, un écu = 5 florins de 3 gros ou 12 deniers.

[306] Vol. 405, 7 mars 1683.

[307] Livre: au XVIIIe siècle, une livre ou écu vaut 5 florins ou 20 sols.

[308] Vol. 488, 6 août 1674.

[309] Vol. 985, 4 août 1770.

[310] Vol. 539, 29 décembre 1675.

[311] Vol. 1054, 24 octobre 1666.

[312] Vol. 1480a, 2 avril 1614.

[313] Vol. 472, 18 septembre 1654.

[314] Le rup vaut 9,6 kilogrammes. 20 rups: 192 kilos.

[315] Vol. 1456, 26 janvier 1686.

[316] O. Zanolli, op. cit., p. 400 et pp. 414-419.

[317] 80 deniers = 6 florins et demi environ.

[318] Valeur des vaches, Vol. 1453, 15 novembre 1768 de 35 à 45 livres.

References

References
1 Commune de la tête de la vallée de l’Evançon, au pied du Mont-Rose.